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Les actions symboliques du Christ

PASCALE MYSTERIUM

 

 

Les prophètes de l’Ancien Testament n’ont pas annoncé l’avenir seulement par des paroles. En effet, leur mentalité symbolique s’est exprimée entre autres par des actions qui signifiaient par avance d’autres actions ou situations où la main de Dieu serait à l’œuvre. Le Christ Jésus, totalement imprégné de culture biblique et comprenant cette culture mieux que personne, a lui aussi utilisé ce procédé, sachant que ses disciples seraient toujours, eux aussi, disciples des prophètes.

 

On n’attribue généralement au Christ qu’une seule action symbolique, et c’est l’épisode de la malédiction du figuier (Mt 21, 18-19). Jésus cherche des fruits sur un figuier, n’en trouve pas, maudit l’arbre, qui se dessèche aussitôt. On y voit l’annonce de la fin de l’Ancienne Alliance, quand elle ne porte pas les fruits de la foi en Jésus.

 

Or on peut penser que Jésus s’est situé dans cette perspective d’actions symboliques au moins à deux autres reprises. Ainsi le rappel de deux actions symboliques du prophète Ezéchiel nous permettra de situer deux actions symboliques du Christ, qui mettent en valeur la signification profonde du baptême et de l’eucharistie.

 

 

I

 

Tournons-nous donc vers le prophète Ezéchiel (Ez 12). Un jour, il fait un trou dans le mur de sa maison et prépare un bagage de déporté ; la nuit venue, il sort avec son ballot en se voilant la tête. Puis il explique que ce qu’il a fait, les habitants de Jérusalem le feront : ils partiront en déportation par les brèches des murailles et ne verront plus la Terre Sainte.

 

Cela nous aide à comprendre comment après le baptême de Jésus, Saint Jean-Baptiste peut s’exclamer : " Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève les péchés du monde ! " Pour le saisir à notre tour, souvenons-nous d’abord que dans la Bible l’eau des mers et des cours d’eau est le lieu du péché. On en a de nombreux exemples, qu’il suffise de rappeler qu’après le déluge, l’eau se retire en emportant le péché qui avait infesté la terre ; ou encore qu’à l’exode, les Hébreux, purifiés par le sacrifice de l’agneau pascal, passent à pied sec, donc sans se souiller, la mer Rouge qui se referme sur l’armée des démons d’Egypte. Par conséquent, les Juifs qui viennent se faire baptiser par Jean comprennent le geste qu’il inaugure : on laisse ses péchés dans l’eau du Jourdain pour être prêt à recevoir le Sauveur dont Jean-Baptiste annonce la venue imminente. On est recouvert par l’eau que verse Jean pour montrer qu’on a conscience d’avoir vraiment péché.

 

Or quand Jésus se présente à Jean, celui-ci le reconnaît comme le Sauveur annoncé. Et s’il sauve, c’est qu’il est sans péché. On voit pourquoi Jean commence par refuser de baptiser Jésus : ce geste ne peut pas avoir le même sens que pour les autres. Et puisque Jésus insiste, il n’y a pour Jean-Baptiste qu’une seule explication : Jésus se plonge dans l’eau pour en retirer les péchés et s’en charger pour les expier.

 

Mais Jésus est à son tour recouvert d’eau ; puis, lorsqu’il ressort du Jourdain, il se met en prière et, toujours sous l’ombre de la colombe qui symbolise l’Esprit Saint, il entend la voix du Père qui déclare : " Celui-ci est mon Fils bien aimé, écoutez-Le. " Avec sa sensibilité spirituelle exercée dés le sein de sa mère, Jean-Baptiste comprend que Jésus annonce qu’Il sera recouvert non plus d’eau, mais de terre, et qu’Il ressortira du tombeau pour manifester la vraie vie, celle des enfants de Dieu baptisés au nom de la Trinité.

 

La prophétie en action de Jésus est donc double. Il annonce qu’Il prend sur Lui nos péchés, comme s’Il se chargeait de sa croix dés ce moment ; Il annonce que sa mort détruira le péché et que sa résurrection nous donnera la vraie vie. Ainsi s’explique parfaitement la prophétie – en paroles cette fois – de Jean : " Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève les péchés du monde. "

 

Et cette symbolique de prophétie se retrouve dans le baptême de chaque chrétien. En étant recouverts d’eau, nous avons prophétisé que, dans toutes nos souffrances et dans notre mort, nous resterons unis à Jésus qui a pris les péchés que nous avons symboliquement déposés dans l’eau, et en ressortant de la fontaine baptismale nous avons prophétisé que nous vivrons désormais unis au Christ ressuscité.

 

 

II

 

Mais une autre action d’Ezéchiel permet à son tour d’expliquer le rite institué par Jésus dans l’Eucharistie. Ezéchiel prend un morceau de bois, il y écrit : " Juda et les Israélites qui sont avec lui. " Sur un autre morceau de bois, il écrit : " Joseph et toute la maison d’Israël qui est avec lui. " Ces deux morceaux de bois symbolisent respectivement le royaume de Juda, encore debout au moment de la prophétie, et celui d’Israël, détruit en 721. Ezéchiel tient les deux morceaux de bois dans une seule main, pour qu’ils ne fassent plus qu’un seul morceau. Et il est chargé d’expliquer que le Seigneur va réunir les déportés d’Israël, les ramener sur leur terre, et qu’ils ne feront plus qu’un seul royaume avec Juda : il n’y aura qu’un seul pasteur pour eux tous (Ez 37, 15-27).

 

Ainsi, deux réalités séparées au moment de la prophétie, sont réunies symboliquement pour annoncer qu’un jour elles seront à nouveau réunies. Or au moment de la dernière Cène, c’est l’inverse : deux réalités unies au moment de la prophétie sont présentées séparément pour annoncer le moment où elles vont être séparées. Ces deux réalités sont le corps et le sang du Christ. Ils sont bien réunis en Jésus au moment où Il institue l’eucharistie ; mais Jésus rend présent son corps dans ce qui était du pain et son sang dans la coupe qui avait contenu le vin, pour qu’en les présentant séparés, Il annonce que sa passion va les séparer. Et c’est plus qu’une annonce : Jésus anticipe ainsi et rend présent son sacrifice dés le moment de son dernier repas avec ses apôtres.

 

La Bible de Jérusalem remarque (en note de Jér 18, 1) que dans les actions symboliques des prophètes, " un lien est établi entre le geste significatif et la réalité dont il est le signe, en sorte que la réalité annoncée est désormais aussi irrévocable que le geste accompli. " Il faut ajouter que le geste significatif accompli par Jésus à la Cène reste en lien avec le sacrifice de la Croix même quand c’est le prêtre qui, à la messe, l’accomplit en la personne du Christ : le prêtre rend présent le sacrifice du Christ comme celui-ci l’avait rendu présent à la Cène.

 

Une bonne connaissance de l’Ancien Testament est donc indispensable pour une compréhension complète de l’enseignement de Jésus. L’Eglise, ne faisant qu’un avec le Christ, refait sacramentellement, sur l’ordre de celui-ci, certains de ses actes. La mentalité des gens de la Bible doit être la nôtre, car nous sommes le peuple de Dieu pour notre temps.

 

Abbé Bernard Pellabeuf.

 

(Article paru dans la revue l'Homme Nouveau en juillet 2007)

 

(Pour prolonger la réflexion, on peut se reporter aux catéchèses sur le baptême et sur l'eucharistie sur ce même blog.)



03/06/2020
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