La Trinité - sermon - textes du Magistère
Mes bien chers frères,
Dimanche dernier nous avons vu que le « Je crois en un seul Dieu » a son origine dans les paroles de Notre Seigneur : « Baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit. » C’est de cette réalité que nous allons parler aujourd’hui : on appelle « mystère de la Trinité » le fait que Dieu soit un en trois Personnes.
N’allons pas nous dire : « C’est un mystère, il n’y a rien à comprendre ! » S’il n’y avait rien à comprendre, pourquoi donc Jésus nous l’aurait-Il enseigné ? Car souvent dans l’évangile il dit qu’Il est Fils de Dieu, et il précise qu’il est créateur en même temps que Lui quand il affirme : « Mon Père et Moi Nous travaillons toujours. » Et la voix du Père se fait entendre au baptême et à la transfiguration, et Il nous dit d’écouter son Fils bien-aimé. Et puis, Jésus nous dit que quand Il sera remonté auprès de son Père, Il nous enverra l’Esprit Saint d’auprès de Lui.
Alors que voulons-nous dire quand nous affirmons que Dieu est Père ? Un père, c’est quelqu’un qui est à l’origine de la vie. Et si l’on demande aux enfants du catéchisme pourquoi on dit que Dieu est Père, ils peuvent répondre que c’est parce que Dieu est le Créateur du monde. Ce n’est pas faux, mais c’est très nettement insuffisant. En réalité, Dieu est Père, même s’Il avait décidé de ne pas créer le monde.
En effet Dieu est à l’origine de sa propre vie. Les philosophes comprennent que le monde ne peut pas exister tout seul, et qu’il lui faut une cause, et cette cause c’est Dieu. Mais Dieu lui-même n’a pas besoin de cause, sinon on n’aurait rien expliqué de l’origine du monde : Dieu est à lui-même sa propre cause. Dieu le Père est à l’origine de sa propre vie.
Maintenant, il nous faut expliquer le mot de « Fils ». Si Dieu est Père parce qu’Il se donne à Lui-même sa vie, alors Il est Fils parce qu’Il reçoit de Lui-même sa propre vie : le Fils est en effet Celui qui reçoit la vie.
La comparaison avec la relation de père et de fils est absolument valable pour parler des deux premières personnes de la Trinité. Nous disons ainsi que le Fils est « engendré, non pas créé ».
Cependant cette comparaison est imparfaite : un fils d’homme sur la terre doit quitter le sein maternel pour mener sa propre vie, tandis qu’à propos du Fils de Dieu, nous devons dire qu’Il reste éternellement « dans le sein du Père ».
C’est pourquoi nous avons besoin d’une deuxième comparaison, qui nous est elle aussi donnée dans l’évangile. Saint Jean dit au début de son évangile qu’au commencement était le Verbe, « tourné » vers Dieu. Nous le savons, il ne s’agit pas du verbe comme on en parlait autrefois à l’école pour les besoins de la grammaire ; il s’agit de la parole de Dieu le Père, ou bien de sa pensée. Dieu se pense Lui-même et cette pensée est le Fils inséparable du Père, un peu comme nos pensées ou nos idées restent en nous si nous n’en parlons pas. C’est comme si nous pensions à un jumeau ou une jumelle qui nous ressemblerait parfaitement et que nous aurions à côté de nous : nous pouvons y penser aussi fort que nous pouvons, ce jumeau n’existera jamais, tandis que la pensée de Dieu est si forte qu’elle fait exister le Fils de Dieu inséparable du Père. Mais à la différence d’un jumeau, le Verbe reste intérieur au Père.
Venons-en maintenant à la troisième Personne de la Trinité. Si, pour la deuxième Personne, on a deux comparaisons, eh bien pour la troisième on n’en a aucune. C’est pourquoi on parle simplement du Saint Esprit, alors qu’on sait que Dieu est Esprit et qu’il est Saint.
Les théologiens ont donc eu recours à une comparaison qu’ils ont inventée. On peut dire que le Saint Esprit est l’amour du Père pour le Fils, et l’amour du Fils pour le Père. De même que Le Père est capable d’engendrer le Fils par sa pensée, ainsi le Père et le Fils sont capables de faire exister le Saint Esprit par leur amour tout puissant.
Ici on a une grosse contestation avec les Orthodoxes. Les évêques réunis à Nicée et Constantinople avaient dit seulement que le Saint Esprit procède du Père, et un jour les Orientaux se sont rendu compte qu’en Occident on avait rajouté « et du Fils ». Vous voyez ce que veut dire « procéder » : ici cela signifie « venir de » ou « s’avancer à partir de ». Ainsi le Fils procède du Père en étant engendré. Le Saint Esprit procède du Père et du Fils.
Pourquoi les théologiens occidentaux ont-ils ressenti le besoin de dire « et du Fils » ? C’est parce que Dieu agit dans le monde en fonction de ce qu’Il est en Lui-même. Le Fils a été envoyé dans le monde par le Père : Jésus ne dit pas qu’Il a été envoyé par le Saint Esprit ! C’est parce que le Fils est engendré par le Père seul qu’Il a été envoyé par le Père seul. De même, le Saint Esprit a été envoyé dans le monde d’auprès du Père par le Fils, parce qu’il procède du Père et du Fils.
Surtout, mes bien chers frères, ne croyons pas que tout cela serait des connaissances superflues. C’est au contraire extrêmement utile et important, sinon Dieu n’aurait pas pris la peine de nous le faire connaître.
En effet, puisque nous avons été baptisés au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit, nous vivons avec les trois Personnes de la Sainte Trinité. Nous sommes tout tendus vers le Père, mais c’est avec le Fils qui est tout tourné vers le Père. Les Apôtres l’avaient bien ressenti, qui demandaient à Jésus « Montre-nous le Père et cela nous suffit ! » Mais si Jésus nous dit « Qui Me voit, voit le Père », c’est dans l’Esprit Saint que nous comprenons cette union entre le Père et le Fils, et c’est dans l’Esprit Saint que nous sommes unis au Fils, Jésus, avec qui nous pouvons appeler Dieu « Père », comme le faisait Jésus lors de son séjour sur la terre.
Nous n’aurons donc jamais fini de comprendre ces réalités, mais si nous voulons continuer notre recherche, ce doit être dans la prière.
Extrait du Credo du Peuple de Dieu
(Paul VI, 30 juin 1968)
« Nous croyons donc au Père qui engendre éternellement le Fils,
au Fils, Verbe de Dieu, qui est éternellement engendré,
au Saint-Esprit, personne incréée qui procède du Père et du Fils comme leur éternel Amour.
Ainsi en ces trois personnes divines, coaeternae sibi et aequales, (8)
surabondent et se consomment,
dans la sur-excellence et la gloire propres à l’être incréé,
la vie et la béatitude de Dieu parfaitement un,
et toujours « doit être vénérée l’Unité dans la Trinité et la Trinité dans l’Unité ». (9)
(8) et (9) Dz.-Sch. 75. – coéternelles à elles-mêmes et égales.
Extrait de la « Brève présentation de la foi catholique »,
par le Secrétariat pour les non-chrétiens, 1967.
Le mystère de la vie intime de Dieu est une surabondance de connaissance et d’amour. Sa richesse de perfection se répand en connaissance de soi et en amour qui, dans l’unité absolue de son être, est l’origine de réalités vivantes et personnelles. Jésus a révélé la richesse de cette vie intime de Dieu par des images et des mots tirés de la vie des hommes : le Père a envoyé par amour son Fils unique dans le monde pour conduire les hommes vers Lui ; le Père et le Fils envoient l’Esprit-Saint pour que les hommes soient Saints et fils de Dieu. C’est pourquoi le chrétien croit au Père, au Fils et à l’Esprit-Saint : Dieu unique, vivant en trois personnes ayant la même nature divine. La raison humaine se sent impuissante devant ce mystère, mais la vie chrétienne en est toute animée, parce que c’est par chacune de ces trois personnes divines que s’opère le salut.
Pour trouver une image, la théologie chrétienne a comparé la vie divine au dynamisme qui existe dans l’homme entre l’esprit qui pense et la pensée qui est « générée » (1) ; (c’est pourquoi la deuxième personne est appelée Fils du Père et « Verbe », c'est-à-dire Pensée-Parole), quant à la troisième personne, elle est pensée comme l’Amour qui unit les deux autres personnes (c’est pour cela que l’Esprit-Saint est souvent appelé Amour). Un ancien poète chrétien chante : « Une image du Père, tu peux la trouver dans le soleil ; du Fils, dans sa splendeur ; de l’Esprit-Saint dans sa chaleur. Et pourtant c’est une seule chose. Qui peut expliquer l’incompréhensible ? » (St Ephrem).
(1) « Fils » de Dieu ne doit pas être compris en sens biologique, mais comme une expression analogique, tirée du monde créé, pour exprimer une réalité qui le transcende.
Voir aussi : L'Esprit Saint dans la Bible
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