Une journée au DAF
Printemps 2004 : j’étais épuisé. Le diocèse aux Armées Françaises m’avait beaucoup employé, à deux reprises on m’avait demandé d’interrompre des affectations parce qu’on ne trouvait personne pour aller dans des postes Outre-Mer, et quand je n’avais pas été Outre-Mer, j’avais été embarqué. A cela s’ajoutait un harcèlement presque constant. On m’avait reproché mon goût pour le latin (oui, mon goût ! – pas un acte), on avait voulu me mettre dans un emploi fictif et on avait laissé croire que j’étais en tort d’avoir refusé, etc.
Et donc j’ai écrit à l’évêque que j’étais épuisé. Il rentrait de voyage et a dû trouver ma lettre le ouiquenne suivant.
Lundi matin, neuf heures : le téléphone sonne à l’aumônerie. C’était le caporal-chef conducteur de l’évêque, un gars sympathique. Il me demande si j’avais encore mes insignes d’aumônier de l’armée de l’Air, parce qu’il en faisait collection (mon affectation précédente, celle où j’avais refusé d’être dans un emploi fictif, avait été sur une base aérienne). Je me dis que mon interlocuteur allait pratiquement tous les jours à l’évêché aux Armées, où il pouvait se procurer tous les insignes d’aumônier qu’il voulait. Je lui répondis que j’avais donné mes insignes à un confrère qui entrait dans l’aumônerie comme aumônier d’une base aérienne.
- Ah, bon, fit-il, et comment ça vaaaa ? Le ton de la voix était bizarre. Et de toute façon, la plupart du temps, on s’enquiert de la santé des gens au début de l’entretien…
Allais-je lui raconter mes histoires ? Je répondis évasivement.
Lundi matin, onze heures : le téléphone sonne à l’aumônerie. C’était un confrère et néanmoins ami, aumônier d’une de nos dernières garnisons en Allemagne. Il me dit qu’il me demandait conseil car j’étais ancien dans l’aumônerie, et qu’un officier de sa garnison cherchait à faire reconnaître la nullité de son mariage religieux, contracté dans le diocèse de Rennes : devait-il introduire sa demande dans ce diocèse ou dans le diocèse aux Armées ? Je répondis qu’il valait mieux demander à un canoniste, mais qu’à mon avis il fallait s’adresser à Rennes.
- Ah, bon, fit-il, et comment ça vaaaa ? Le ton de la voix était bizarre. Et de toute façon, la plupart du temps, on s’enquiert de la santé des gens au début de l’entretien…
Je répondis comme je l’avais fait précédemment : j’avais écrit ce qu’il fallait à l’évêque, cela aurait dû être suffisant.
Lundi après-midi, quinze heures : le téléphone sonne à l’aumônerie. C’était un laïc travaillant dans l’aumônerie. Un officier de ma garnison venait de recevoir son ordre d’affectation dans la sienne, et il voulait savoir si je le connaissais. Je lui répondis que nous avions de bons rapports.
- Ah, bon, fit-il, et comment ça vaaaa ? Le ton de la voix était bizarre. Et de toute façon, la plupart du temps, on s’enquiert de la santé des gens au début de l’entretien…
Vous pouvez maintenant deviner comment j’ai répondu.
Lundi soir, vingt et une heures : le téléphone sonne à l’aumônerie. C’était un confrère et néanmoins ami, à qui je racontai ce que vous venez de lire.
- Nooon ! Moi pas ! Moi pas !
Il téléphonait par amitié…
Alors peut-être qu’on a raison de nous prendre pour des sons (excusez la cédille, mais c’est quand même plus poli), simplement on devrait connaître les limites.
Une dizaine de jours plus tard, je reçus une lettre de l’évêque disant qu’il espérait que je puisse prendre des permissions ; cela m’était impossible, puisqu’il exigeait que j’assure la messe à la chapelle de garnison tous les dimanches.
Deux mois plus tard, les médecins me disaient de cesser toute activité.
Récemment j'ai dit à mes supérieurs que je suis épuisé.
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