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Pourquoi je suis catholique

Si tu savais le don de Dieu …
… tu saurais pourquoi je suis catholique.

 

 
 Un don doit toujours être proportionné et à celui qui le reçoit, et à celui qui l’offre. Un enfant fait des cadeaux à sa mesure : ils font plaisir non forcément à cause de leur valeur intrinsèque, mais avant tout à cause de l’amour dont ils témoignent. En grandissant, l’enfant fait des cadeaux de plus en plus beaux, et il s’efforce de plaire à celui à qui il les offre.


 Que dirait-on du grand d’un royaume qui offrirait à la reine une poignée de fleurs des champs ? Que dirait-on d’un roi qui agirait de même ? Un roi doit faire des cadeaux royaux. Dieu doit faire des cadeaux à sa mesure, qui est infinie : le seul cadeau digne d’être offert par Dieu, c’est Dieu lui-même.


 C’est cette forme de dialogue avec Dieu, cet échange seul digne de Lui, que je trouve sans restriction dans le catholicisme. On y reçoit en plénitude le don de Dieu, on y trouve en plénitude la possibilité de Lui rendre ce don – mieux : de nous offrir nous-mêmes en même temps qu’on Lui rend son don : on le Lui rend ainsi sans le perdre.

 


A propos du dialogue interreligieux

 

 Pourquoi, dira-t-on, Dieu se donnerait-Il à l’homme ? C’est, en définitive, la question fondamentale de toute religion. Une religion, et c’est l’étymologie habituellement reçue de ce mot, suppose une certaine relation à Dieu. On peut sur cette base classer les religions.

 

 Il y a des religions – ou des pensées classées parmi les religions – dans lesquelles on ne pense pas que Dieu ait parlé aux hommes. Peut-être doit-on placer ici certaines religions dites animistes. La relation à la divinité, peut-être une dans son essence même si celle-ci est vue comme répartie en plusieurs êtres, cette relation s’est construite comme empiriquement, en imaginant ce qui peut plaire à l’être divin et ce qui permet d’avoir un pouvoir sur lui. Ce n’est guère enthousiasmant ! Qui garantit la justesse de l’analyse des pensées et des habitudes de l’être divin dans ces attitudes ? Quelle satisfaction peut-on retirer réellement de ces pratiques ? Dieu ne s’y révèle pas, ne s’y donne pas, tout au plus se prête-t-il à certains des caprices des hommes. Un dieu de ce type ne peut pas vraiment être appelé dieu.

 

 Il y a d’autres religions pour lesquelles le divin n’est pas foncièrement distinct du monde où vit l’homme. L’hindouisme semble répondre à cette définition. Il s’agit d’un système moniste – où il n’existe qu’un seul être : il n’y a pas de discontinuité entre le divin et le reste du monde, pas de créé distinct de l’incréé. Le seul intérêt de ces attitudes religieuses est de proposer à leurs adeptes des moyens de ne pas s’éloigner d’une sorte de zone supérieure de l’être ou d’y revenir. Mais il ne peut y avoir là ni dialogue ni don entre l’homme et le divin. On peut sans doute y acquérir une sagesse pour tenir ses sentiments en harmonie, puisque celle-ci est considérée comme la condition pour s’élever dans l’être. Mais il n’y a là aucune transcendance véritable, qui conduise l’homme vers un au-delà de lui-même.

 

 Pourquoi alors attendre de Dieu qu’Il communique quelque chose à l’homme ? C’est que, si Dieu est Dieu, l’homme est sa créature. Par conséquent Dieu a un but en le créant : sinon toute religion est inutile ; une religion fait que ses adeptes correspondent à ce que Dieu attend d’eux. C’est ce que pense par exemple l’islam. L’homme y est invité – ou contraint – à se soumettre à la volonté de Dieu. Il y gagnera une récompense. Mais celle-ci n’est pas Dieu Lui-même, qui reste inaccessible. Il a révélé sa volonté, Il ne S’est pas communiqué, Il n’a rien dit de ce qu’Il est en Lui-même. Les noms divins sont des attributs de Dieu, mais ils ne disent pas ce qu’Il est en Lui-même. Là encore, l’homme n’est en fait pas libéré de ses contingences.

 

 C’est pourquoi la seule religion qui permette à l’homme de sortir de lui-même et d’établir un véritable dialogue avec Dieu sera une religion où Dieu ne se contente pas de donner des directives dont la justification échappe à l’homme. La véritable religion, digne de ce nom, est celle qui révèle à l’homme qu’il est capable d’entrer en communion avec Dieu, parce que Celui-ci s’est donné à lui. C’est ce que je trouve dans le christianisme.

 

 La Bonne Nouvelle dans le christianisme ce n’est pas seulement que l’homme a une capacité à l’égard de Dieu, c’est que cette capacité de l’homme repose sur une capacité de Dieu à l’égard de l’homme. Refuser la possibilité ou la réalité de l’incarnation, c’est nier pour une part que l’homme est créé à l’image de Dieu. Dieu a créé l’homme à son image parce qu’Il voulait entrer en communion avec lui, s’en faire un intime.

 

 Ici, il faut rejeter comme inefficientes et inappropriées les conceptions religieuses qui nient que Dieu puisse se donner Lui-même. Si Dieu a créé l’homme, s’Il lui donne des lois, ce doit être par amour, sinon Dieu n’est pas grand, il n’est pas Dieu. Seule la création gratuite, par pur amour, n’implique aucune diminution en Dieu. S’Il n’a pas créé par amour, son acte créateur indique chez Lui une dépendance ou une contingence, une sorte de besoin ou de caprice.

 

 Certes ces considérations sont faites à l’intérieur de la pensée chrétienne. Il est peu probable qu’elles convainquent les adeptes des autres religions. Par exemple, si l’islam est incapable de reconnaître que Dieu est amour, c’est probablement par une incapacité culturelle à considérer que l’amour puisse être infini. De fait, si comme le coran l’affirme une femme est comme un champ que l’homme peut labourer à sa guise, si, toujours selon l’islam, le paradis des guerriers d’Allah est rempli de vierges misse à leur disposition, on conçoit que ces formes d’amour ne prédisposent pas à considérer que Dieu est amour.

 

 Toutefois ces réflexions peuvent servir aux chrétiens qui sont engagés dans le dialogue interreligieux afin d’amener leurs interlocuteurs à une remise en question radicale de leurs présupposés culturels. Mais surtout ces réflexions peuvent servir à tous les chrétiens : nous ne pouvons pas ne pas nous situer par rapport au relativisme ambiant. Ces pensées nous montrent qu’on ne peut pas se dire chrétien tout en affirmant que toutes les religions se valent. Une telle affirmation revient à nier le dogme fondamental du christianisme, que Dieu s’est fait homme en Jésus-Christ.

 

 Et ces réflexions peuvent aussi aider ceux qui mènent ce dialogue si particulier qu’est le dialogue avec le judaïsme. Au temps de Jésus, la religion juive était divisée entre ceux qui croient à l’esprit et ceux qui en nient l’existence. Sur ce point Jésus était en accord avec les pharisiens, contre les saducéens. C’est d’ailleurs sans doute l’une des raisons pour lesquelles Il a eu tant maille à partir avec ceux-là : on a davantage besoin de marquer sa différence par rapport à ceux qui sont proches. Donc, peut-être, dans le dialogue avec les juifs, les chrétiens peuvent-ils émettre l’opinion que si l’on nie que le Messie puisse être Dieu, on réduit à néant les raisons pour lesquelles Dieu pouvait s’être adressé à Abraham, à Moïse, à David, aux prophètes : la raison de cette prévenance est à chercher dans son amour, dans sa capacité de don, et de don de Lui-même. Si l’on refuse de dire que Dieu est amour, et c’est ce qui se passe si l’on nie qu’Il puisse S’incarner dans le Messie, alors on doit Le considérer comme un principe abstrait, qui impose ses volontés à l’homme de façon arbitraire : il n’y a là plus grand-chose de commun avec l’amour que Dieu manifeste pour son peuple dans l’Ancien Testament.

 


A propos de l’œcuménisme

 

 Il reste à montrer comment certaines déviations, dans le christianisme, ont eu le tort de diminuer le don de Dieu dans l’esprit des fidèles. Il y eut le docétisme, pour lequel Jésus était bien Dieu, mais pas vraiment homme qu’en est-il alors de la capacité de don en Dieu, cette capacité qu’il a à l’égard de l’homme créé à son image ? Puis il y eut l’arianisme, pour lequel Jésus était vraiment homme, mais pas vraiment Dieu : là encore Dieu n’est pas considéré comme S’étant donné. L’arianisme est redevenu d’actualité ces dernières décennies avec ces formes réductrices du christianisme qui se veulent progressistes mais ne voient plus guère en Jésus qu’un gourou guérisseur ou un réformateur social.

 

 Par ailleurs, si Dieu S’est donné, Il ne peut pas ne pas avoir pris des dispositions pour que son don ne se perde pas. Nécessairement, s’Il Se donne, Il doit se lier à l’humanité de façon visiblement durable, et c’est ce qu’Il a fait en fondant l’Eglise, et ce, sur les Apôtres. On doit repousser toute doctrine qui tendrait à amoindrir le lien entre Dieu et son Eglise. Il est probable que la façon dont certains protestants exaltent la Bible au détriment de l’Eglise au sein de laquelle est pourtant né le Nouveau Testament relève de cette tendance à nier l’importance de la présence de Dieu dans sa communauté.

 

 On doit donc aussi rejeter toutes les théories qui admettent une diminution de la puissance salvifique de l’Eglise. C’est ce que font beaucoup de protestants, et quelques catholiques à leur suite, qui imaginent que l’Eglise s’est fourvoyée, en gros à partir de Constantin. Même si l’on peut reconnaître qu’en de nombreux moments de l’histoire on s’est laissé asservir par le pouvoir temporel ou les modes de pensée dominants, on ne peut nier que toujours la Parole de Dieu a été transmise et les sacrements distribués, en sorte que toujours ont pu se lever des saints et des prophètes pour redire la vérité et rétablir la prééminence de l’ordre surnaturel dans l’Eglise. D’ailleurs ceux qui disent que la structure de l’épiscopat, voire même celle de tout le sacerdoce, sont des ajouts post-constantiniens, devraient reconnaître leur erreur en constatant que les chrétiens trouvés en Inde par Saint François-Xavier possèdent eux aussi ces structures, ce qui prouve leur origine apostolique.

 

 Une autre façon de diminuer le don de Dieu, habituelle chez les protestants, c‘est la façon dont ils envisagent l’eucharistie. Pour la plupart d’entre eux, ou bien Dieu n’y est pas présent, ou bien Il n’y demeure pas à la fin de la cérémonie. De toute manière, ayant rejeté avec l’épiscopat et le sacerdoce la succession apostolique garante dans l’Eglise de la présence et de l’authenticité de l’eucharistie, ils sont privés de celle-ci. Qu’on y prenne garde : si le Christ n’est pas offert en sacrifice au cours de la messe, alors le don que Dieu a fait de Lui-même est inopérant puisque nous ne pouvons pas y répondre en nous associant au sacrifice qui nous sauve, en nous offrant en union avec Celui que nous offrons.

 

 Il reste à envisager la plus douloureuse des séparations, celle de l’Orthodoxie. Certes, les Orthodoxes ne rejettent pas la primauté de Pierre, rendue actuelle par le ministère du Pape. Ce qu’ils rejettent, c’est la forme que l’exercice de cette primauté a prise lors de la réforme grégorienne. Au XIème siècle, le Pape, pour libérer les évêques de l’emprise des pouvoirs temporels, a fait valoir une forme d’autorité qui n’avait encore jamais été employée. Le patriarche de Constantinople s’est rebellé là-contre. Mais considérer que l’Eglise en communion avec le successeur de Pierre s’est trompée aussi longtemps, n’est-ce pas réduire la valeur du lien par lequel, en son don, Dieu s’est attaché à son Eglise ? Là encore il faut reconnaître les leçons de l’histoire : la réforme grégorienne a donné à l’Eglise une autonomie que n’ont guère connue les patriarches de Constantinople face au Basileus ou de Moscou par rapport au Tsar. Dés lors, rien ne devrait s’opposer à rediscuter la forme que doit prendre à l’avenir l’exercice de la primauté du Pape, tant qu’on ne nie pas au Pape le droit qu’il avait de mettre en œuvre la réforme grégorienne et donc d’aider aujourd’hui encore les Eglise d’Orient avec des mesures qui s’inspirent de l’esprit de cette réforme.

 

 Là aussi, même si ces arguments n’emportent pas nécessairement l’adhésion des non-catholiques, ils peuvent néanmoins les obliger à reconsidérer leurs positions. Et ils peuvent permettre aux catholiques de revivifier leur confiance en l’Eglise et en Dieu qui ne veut pas que son don soit rendu vain.

 

 Car au terme de cette méditation, on comprendra que jamais rien ni personne de devrait pouvoir séparer un catholique de l’unique et véritable Eglise, celle qui est dans la communion de Rome pour recevoir en plénitude le don de Dieu et y répondre.

 

Abbé Bernard Pellabeuf



03/06/2020
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