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Marie, Mère de l'Eglise, et Marie, Mère des prêtres.

Causerie prononcée au Mesnil Saint Martin (à Montaut de Villeréal) devant le groupe du Foyer Marial de Villeneuve sur Lot, en janvier 1990.

 

Vous m'avez demandé de vous parler de ces deux thèmes. On pourrait se dire que cela va disperser notre attention sur deux sujets à la fois. En fait, cela ne fait qu'un seul sujet, car, comme nous le verrons, Marie doit être Mère des prêtres pour être Mère de l'Eglise.

 

Marie comme Mère de l'Eglise : votre groupe ne s'appelle pas pour rien le « Foyer Marial », c'est à dire la famille dont Marie est la Mère ; en fait c'est toute l'Eglise qui est un seul foyer marial.

 

Avant de parler de Marie comme Mère de l'Eglise, j'aimerais rappeler comment a été faite la proclamation de Marie comme Mère de l'Eglise.

 

Vous savez que c'est le pape Paul VI qui a fait cette proclamation, à la fin du deuxième concile du Vatican, c'est à dire il y a un peu plus de vingt-cinq ans. Mais Paul VI aurait voulu que les évêques réunis en concile placent cette expression dans les textes mêmes du concile. Il l'a demandé plusieurs fois, avec insistance. Mais on voit bien que même le pape ne fait pas ce qu'il veut. Il y avait trop de gens qui s'opposaient à cette expression.

 

Alors on a réuni une commission pour examiner la question : c'était perdu d'avance. Car comme disait Napoléon : « Si vous voulez résoudre un problème, désignez un responsable ; mais si vous voulez enterrer une question, nommez une commission. » Il y avait là des cardinaux, des évêques, des Monseigneurs, des théologiens et des experts... plus il yu a de monde dans une discussion, moins on a de chance d'arriver à un bon résultat.

 

Les premiers qui parlèrent alors étaient favorables à l'idée de Paul VI : il fallait dire clairement que Marie est Mère de l'Eglise. Mais ensuite les opposants prirent la parole. Ils faisaient surtout remarquer que cette expression n'était pas traditionnelle. Ils craignaient donc qu'elle fût exagérée. C'est un argument très fort. Vous savez que la foi de l'Eglise ne change pas. On ne peut donc rien inventer : on peut donc seulement expliquer la foi de toujours avec des formules nouvelles si le besoin s'en fait sentir.

 

Heureusement Paul VI savait qu'il avait raison. Il s'est donc résigné – mais à moitié seulement. L'expression « Marie Mère de l'Eglise » ne se trouve pas dans les textes votés par les évêques. Mais le jour où ils se sont réunis pour la dernière fois avant de rentrer chacun chez soi, Paul VI les a tous surpris en proclamant dans son discours que Marie est mère de l'Eglise. Et alors les évêques se sont levés pour crier leur enthousiasme. Et l'accueil du peuple catholique tout entier a prolongé cet enthousiasme : Paul VI avait réellement exprimé la foi de toute l'Eglise.

 

D'aillerus ceux qui prétendaient que l'expression « Marie Mère de l'Eglise » n'est pas traditionnelle se trompaient. Car peu de temps après, on a retrouvé un manuscrit très intéressant à l'abbaye de Saint-Gall en Suisse. C'est un manuscrit du XIIème siècle. On y voit un texte en latin avec des notes de musique de l'époque. On y lit donc « Virgo Mater Ecclesiae, aeterna porta gloriae, ora pro nobis omnibus, qui tui memoriam agimus », ce qui veut dire : « Vierge Mère de l'Eglise, porte de la gloire éternelle, priez pour nous qui faisons mémoire de vous ». Vous le voyez : il y a bien longtemps que des chrétiens s'adressent à la Sainte Vierge en lui disant « Mère de l'Eglise ». Paul VI n'a là rien inventé, il a été fidèle à sa mission qui consiste à rappeler la foi de l'Eglise... surtout quand les experts ont tendance à l'oublier !

 

Il faut maintenant rappeler l'essentiel, le sens de cette expression. On sait bien que Marie est la Mère de Jésus le Christ, elle est donc la Mère de Dieu, car Jésus est Dieu, puisqu'Il est le Fils éternel de Dieu le Père. Alors si on refuse de dire que Marie est Mère de l'Eglise, cela signifie que l'Eglise est séparée de Jésus-Christ. En fait cela signifierait que l'Eglise n'existe pas. Car l'Eglise, c'est l'ensemble de tous les hommes unis à jésus pour vivre en Lui auprès du Père, avec l'Esprit-Saint. Être uni à Jésus, c'est cela qui fait qu'on appartient à l'Eglise.

 

Et il ne suffit pas de dire que Marie est Mère de chaque chrétien, de chaque fidèle uni au Christ. Si l'on en reste à ce niveau, on tombe vite dans l'individualisme. Un chrétien uni à Jésus devient membre de son corps, il ne reste pas seul dans son intimité avec Jésus. En Jésus il trouve tous les autres membres du Corps Mystique du Christ. S'il est vrai qu'ainsi nous ne formons qu'un seul corps, alors on voit que Marie est notre Mère non seulement de façon individuelle, mais bien de façon à nous unir en Jésus. Jésus est la Tête de l'Eglise, comment Marie pourrait-elle être Mère de la Tête, sans être aussi la Mère de tout le Corps Mystique ? Jésus nous dit : « Nul ne peut venir à moi si mon Père ne l'attire ». On peut sans doute oser comprendre qu'Il nous dit aussi : « Nul ne peut venir à moi – dans mon Corps Mystique – si ma Mère ne le prend en elle-même, pour l'engendrer à nouveau. »

 

Mais c'est important de voir les différences. Par exemple quand nous disons que nous sommes fils de Dieu, nous devons nous souvenir que Jésus est le Fils de Dieu par nature, tandis que nous sommes simplement des fils de Dieu par la grâce de l'adoption. Cela n'enlève rien à notre dignité, mais cela augmente notre reconnaissance de nous savoir héritiers avec le Christ.

 

De la même façon, quand nous disons que tout le Corps Mystique du Christ a Marie pour Mère, nous devons nous souvenir que Jésus est le fils de Marie par sa naissance selon la chair, tandis que nous avons Marie pour Mère parce que Jésus lui a dit de nous adopter. Cela s'est passé au Calvaire, où Saint Jean représentait certes chacun de nous en particulier, mais aussi toute l'Eglise.

 

Ici nous retrouvons l'autre aspect du sujet que vous m'avez demandé de traiter : Marie Mère des prêtres. Nous voyons que Marie a commencé à adopter l'Eglise en adoptant saint Jean qui est un Apôtre. Quand il est au pied de la croix, Saint Jean est prêtre depuis la veille au soir. Les Apôtres ont été choisis par Jésus pour être ceux par qui Il ferait passer son sacerdoce pour toute l'Eglise. Tous les évêques, les prêtres, les diacres, reçoivent le sacerdoce du Christ qui est passé par les Apôtres. Et tout de suite après avoir commencé à répandre son sacerdoce dans le monde, Jésus fait adopter Saint Jean par sa Mère.

 

Saint Jean est le disciple de prédilection de Jésus : quoi d'étonnant à ce qu'il soit aussi le fils de prédilection de Marie ? Cela nous montre comment la Sainte Vierge est la Mère de toute l'Eglise et pas seulement de chaque chrétien. Marie est la Mère de toute l'Eglise parce qu'elle est d'une façon spéciale la Mère des prêtres. Au pied de la croix, Saint Jean représente avant tout les prêtres qui devront rassembler l'Eglise à travers tous les siècles et tous les pays en offrant le sacrifice de Jésus à la messe. Ainsi Marie est la Mère du Corps Mystique du Christ aujourd'hui même, parce qu'elle est la Mère de ceux qui représentent dans l'Eglise la Tête de ce Corps.

 

Les prêtres agissent dans l'Eglise « en la personne du Christ » ; les prêtres ont été institués et comme inventés par Jésus pour rassembler l'Eglise en la nourrissant de l'Eucharistie, il faut donc se demander maintenant quel est le rôle de Marie à la messe.

 

On se rend compte qu'il y a quelque chose de semblable chez Marie et chez les prêtres. Marie, à Noël, a donné au monde le Christ, né de son propre sein. Et les prêtres, donnent au monde ce même Corps né de la Vierge Marie. Mais on voit tout de suite qu'on risque d'exagérer ; là encore il faut voir les différences. Le prêtre dit « Ceci est mon Corps », en consacrant l'hostie qui est le Corps du Christ, mais ce serait une grave erreur que d'en conclure que le prêtre serait né de la Vierge Marie ! Pourtant on peut être sûr que Marie est émue lorsqu'elle entend les paroles de la consécration – car elle est présente à toutes les messes, avec toute la cour céleste ; c'est pour cela que le prêtre la nomme toujours dans la prière eucharistique.

 

Alors quel est donc le rôle de Marie à la messe ? Il y a une autre exagération qu'il faut signaler, pour ne pas s'y laisser prendre. On dit parfois : « Le prêtre donne le Chrsit au monde, et c'est cela que la Sainte Vierge a fait : donc Marie est comme un prêtre. » Ou bien on dit : « Le prêtre offre le Corps du Christ en sacrifice à Dieu le Père, et c'est cela que la Sainte Vierge a fait au moment de la présentation au Temple : donc marie, là encore, est comme un prêtre ». C'est vrai que la Vierge Marie est la première qui ait compris qu'il fallait offrir son fils à Dieu. Et c'est vrai qu'elle est émue de voir que le prêtre le fait à son tour. Seulement le prêtre le fait d'une tout autre façon.

 

En effet le prêtre tient la place du Christ. La Sainte Vierge n'aurait pas pu donner le Fils de Dieu au monde si le Fils de Dieu n'avait pas voulu Lui-même se donner en s'incarnant. Et la Sainte Vierge n'aurait pas pu offrir son Fils à Dieu le Père si son Fils n'avait pas été Lui-même tout entier donné au Père, dans l'éternité comme dés le moment de sa conception. Le prêtre est là pour effectuer et montrer la présence de Jésus qui a l'initiative de se donner au Père pour le monde.

 

En offrant son Fils, la Vierge Marie n'est pas prêtresse. Son rôle est différent et pour le comprendre il faut penser à nouveau au Calvaire. Là le Christ s'offre à son Père pour le salut du monde, mais Il a voulu que sa Mère soit présente : ce n'était pas pour être prêtresse, puisque c'est Jésus qui est alors clairement le prêtre. Au pied de la croix, Marie représente toute l'Eglise qui reçoit le sacrifice du Christ pour en faire le sien, en faire son sacrifice à elle, l'Eglise. C'est ce sacrifice que l'Eglise offrira dans tous les siècles jusqu'à ce que le Christ revienne dans sa gloire.

 

Jésus savait que son sacrifice serait agréé par son Père. Mais il fallait aussi que l'Eglise reçoive ce sacrifice pour en faire sa prière. Au Calvaire, Marie accepte tout cela au nom de toute l'Eglise. Et à chaque messe, dans sa présence mystérieuse, elle entraîne toute l'Eglise à offrir le sacrifice du Christ en même temps que le prêtre l'offre comme le Christ l'a offert. Autrement dit, Marie est la première à avoir compris ce que le prêtre dit à la fin de l'offertoire : « mon sacrifice, qui est aussi le vôtre » ('meum ac vestrum sacrificium' – ces mots ont été omis dans le texte liturgique officiel français, et c'est une lourde faute).

 

En résumé on voit que Marie agit vis à vis du prêtre comme une mère qui montre à son fils le chemin à suivre pour qu'il réalise le meilleur de soi-même. Et ce qui est vrai à la messe l'est aussi dans tout le ministère du prêtre. En tout cela, marie par qui le Christ est venu dans le monde, s'efface devant le prêtre qui donne le Christ au monde. Mais comme une mère qui laisse son fils accomplir sa vocation, elle ne disparaît pas. Dans la vie du prêtre, Marie est, comme à Cana, celle qui le provoque à faire les miracles qui s'opèrent par son ministère dans tous les sacrements et dans sa prédication.

 

Marie est donc bien une partie de l'Eglise, mais elle en est la partie la plus éminente après son fils et auprès de Lui, et c'est pourquoi elle peut en être appelée la Mère. On peut s'en étonner, mais on a quelque chose de semblable dans l'incarnation : le Créateur du monde est engendré par une créature. Ainsi la sagesse de Dieu est manifestée : Marie est la Mère de l'Eglise, et elle en est aussi un membre.

 

On ne peut pas oublier non plus que le Christ est venu dans le monde après que la Sainte Vierge eût prié pour que vienne le Sauveur promis par Dieu et annoncé par les prophètes. De la même manière, l'Eglise est née après que la Sainte Vierge eût prié pour que vienne l'Esprit-Saint promis par Jésus. Et dans cette prière qui nous a valu la Pentecôte, Marie était entourée par Saint Jean et les autres Apôtres : déjà comme une mère elle apprenait à prier à ses premiers fils de prédilection.

 

Pour conclure, voici ce que disait le Cardinal Journet à propos de la proclamation de Marie comme Mère de l'Eglise par Paul VI. Paul VI et le Cardinal Journet étaient deux bons amis, c'est pourquoi on pouvait faire confiance au Cardinal quand il parlait des intentions du Pape. Il disait ceci : Paul VI a voulu proclamer que Marie est Mère de l'Eglise pour que l'Eglise sente la protection maternelle de Marie durant ces années où elle est tant éprouvée. Eh bien, vous les membres du Foyer Marial, n'hésitez pas, ne cessez pas de prier Marie Mère de tous les prêtres, à notre époque où les prêtres sont tant éprouvés. Il faudrait rajouter aux invocations des litanies de la Sainte Vierge :

 

Mater sacerdotum, ora pro nobis

- Mère des prêtres, priez pour nous !



06/06/2020
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