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Le verbe for

Connaissez-vous le verbe fari ?

Il est peu employé en latin, mais il a une postérité, pour ainsi dire, tout à fait étonnante et vaut donc la peine d’être connu.

Voici ses « temps forts » (les formes qu’il prend à certains temps et qui permettent de reconstituer toutes les autres formes) :

            For, faris, fari, fatus sum

(Ces formes sont passives, mais le sens du verbe est actif : cette structure de langage est commune au latin et au grec ; ces verbes sont dits « déponents » : ils sont supposés avoir « déposé » leurs formes actives.)

Ah, au fait, il signifie parler.

Donc for, faris, fari, fatus sum = je parle, tu parles, parler, j’ai parlé.

 

Voyons ses dérivés.

Il y a d’abord fateor (fateris, fateri, fatus sum) : avouer.

Il s’agit là d’un verbe « fréquentatif », qui exprime la répétition ou le prolongement de l’action exprimé par le verbe dont il dérive.

Ainsi, salire veut dire sauter. Mais notre verbe sauter vient en fait du fréquentatif saltare, qui signifie en latin danser.

De même cieo (pour les collégiens : prononcez-le plutôt à l’ancienne !) veut dire mettre en mouvement, et son fréquentatif citare se retrouve dans « citer en justice » ou exciter.

Donc si fateor a le plus souvent le sens d’avouer, il signifie à l’origine dire avec force, ou dire habituellement ; c’est important pour comprendre les dérivés de fateor.

 

Il y a d’abord infiteor : ne pas avouer ; avec ses propres dérivés : infitialis qui veut dire négatif, ou encore infitior (nier, contester).

 

Et puis surtout confiteor (confiteris, confiteri, confessus sum) : cela signifie encore avouer, mais avec une certaine force, ou une certaine solennité, d’où l’emploi de ce mot en liturgie ; il a donc donné le nom confession. Cependant ce dernier mot peut renouer avec le sens premier de fateri : le préfixe cum sert ici à renforcer le sens, et confiteri peut signifier proclamer ; ainsi dans la « Confession d’Augsburg », quelques protestants réunis dans cette ville en 1530 ont défini ce qu’ils pensaient bon de croire à la suite de Martin Luther : confession ici a le sens de proclamation.

 

On arrive à profiteor : il s’agit de nouveau de proclamer, mais avec l’idée marquée de « au devant de » indiquée par pro. La profession est donc à l’origine ce que l’on dit de soi-même devant la société où l’on œuvre.

 

De là on comprend certains mots de même radical que fari.

- On a fabula, la fable : ce qui peut être dit, mérite d’être dit.

- et aussi fama, la renommée, ce qu’on dit de quelqu’un. De là vient infâme : dont la réputation est définitivement entachée.

- et puis ineffabilis, indicible (ou simplement ineffable) : à mettre en lien avec le verbe effaris, effari, effatus sum ; il s’agit là encore de dire, mais le préfixe ex suggère qu’on exprime une idée.

Pensons aussi au mot français « affable » : dont la conversation est agréable.

 

Mais enfin il y a surtout infans, avec toute sa postérité.

Il y a en fait deux préfixes in : l’un qui signifie à l’intérieur ou vers l’intérieur, comme dans immerger ; l’autre qui indique une privation, comme dans immobile (privé de mouvement). C’est ce second préfixe qu’on trouve dans infans.

Fans serait le participe présent de fari – oui, je sais, en latin le participe présent est actif, et je vous ai dit que les verbes déponents ont des formes passives : mais justement comme le passif latin ne connaît pas de participe présent, on a recours à une forme active : élémentaire, non ?

Donc si fans devrait signifier parlant, infans signifie « qui ne parle pas » : au départ, un enfant est un bébé qui n’a pas encore l’âge de parler.

Mais il y a eu glissement de sens, et on parle d’enfant même quand il sait déjà parler.

Seulement, dans de nombreuses langues, le mot enfant indique non seulement l’âge, mais aussi la filiation. Les enfants des Untel sont leurs fils et leurs filles.

C’est ainsi qu’en Espagne on a désigné par le mot infants les fils de grandes familles qui combattaient dans l’armée. Ils étaient donc regroupés dans l’infanterie, et en français on les appelle les fantassins.

Eh bien c’est peut-être là l’origine de l’expression « La Grande Muette » pour désigner l’armée.

 

 

Bon alors

Si cela vous a plu ou intéressés

Si vous êtes sages

Et si j’ai le temps

Je vous parlerai du verbe tego, qui, quoique moins riche que for, n’en est pas moins curieux



05/05/2021
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