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LE PARDON.

Cette note avait paru sur l'ancien site de Pageliasse, mais la présente version est plus complète : j'espère que vous la trouverez améliorée.

Un ami anglais, à qui elle avait fait du bien, a traduit l'ancienne version sous le titre "forgiveness".

 

 

Introduction : le pardon aujourd’hui.

 

Pardonner n’a pas bonne presse : on peut avoir l’impression de s’abaisser en pardonnant. L’orgueil s’y refuse assez spontanément. On ne veut pas avoir l’air faible en refusant de se venger.

 

Cette tendance de la nature déchue a été renforcée dans la culture occidentale par le marxisme. Pour les marxistes, il ne faut pas pardonner à celui qui est injuste : c’est, dans cette perspective, la haine qui fait progresser l’humanité. La révolution se réalise si les hommes se haïssent et pour cela les révolutionnaires cherchent à rendre le pardon impossible. Tout le monde risque d’être plus ou moins gagné par cette idéologie de la haine – ou au moins par son résultat le plus courant : la petite hargne permanente.

 

Une autre idéologie hostile au pardon est le devoir de mémoire – du moins une certaine conception de celui-ci. C’est vrai que l’histoire est importante, elle nous permet de juger les travers du passé pour tâcher de les éviter dans l’avenir. Mais cela ne doit pas empêcher le pardon. Il est mauvais de gratter les cicatrices mal refermées ; il est mauvais d’entretenir dans la conscience ce qui peut entraîner du ressentiment.

 

D’ailleurs le pardon au niveau international ou national permet de grandes choses. Rappelons-nous l’exemple du Père Werenfried Van Straaten. Ce Prémontré Hollandais, après la guerre de 1939-1945 où les Pays-Bas avaient beaucoup plus souffert que la France, a réussi à convaincre ses compatriotes de pardonner aux Allemands et de venir en aide aux Allemands catholiques déplacés de l’Est. Il a fondé l’Aide aux Prêtres de l’Est, devenue ensuite l’Aide à l’Eglise en détresse. On peut dire que c’est ce genre d’action des catholiques qui a permis l’édification de l’Europe au sortir de deux terribles guerres fratricides. Car cette action du Père Werenfried n’était pas isolée. Il y avait aussi, par exemple, l’association catholique d’amitié germano-polonaise. Elle a tenu une réunion solennelle au Katholikentag de Fribourg-en-Brisgau en 1978. A la table d’honneur, il y avait plusieurs cardinaux et archevêques : ce que tout le monde ignorait alors, c’est que parmi eux il y avait deux futurs papes, les cardinaux Woytela et Ratzinger.

 

Enfin, il faut souligner que le pardon est excellent pour la santé mentale personnelle. Des médecins ont publié il y a quelques années une note sur le pardon et ses vertus curatives : ils avaient constaté que bien souvent leurs patients guériraient s’ils acceptaient de pardonner. Et très probablement si l’on développait une véritable culture du pardon, il y aurait cent fois moins de divorces et d’autres plaies sociales dont nous souffrons.

 

Examinons donc ce qu’est le pardon dans la psychologie humaine, avant de voir comment le pardon a été vécu et transfiguré par Jésus-Christ.

 

 

Pour une psychologie du pardon.

 

On peut faire une première remarque : il y a trois " moments " du pardon – et on peut même y ajouter une sorte de quatrième moment.

 

Le pardon peut être accordé quand le mal n’a plus de conséquences : c’est assez facile, même si l’on n’y arrive pas toujours.

 

Le pardon peut être accordé quand le mal a encore des conséquences : c’est nettement plus difficile, et pourtant c’est un très bon moyen d’assumer précisément ces conséquences.

 

Le pardon peut enfin être accordé quand le mal s’exerce encore : c’est le plus souvent un acte d’héroïsme.

 

Finalement on peut rencontrer des gens qui, par très haute vertu, acquise par exemple en pardonnant de multiples fois, ont une telle aptitude au pardon qu’on a l’impression qu’ils ont pardonné d’avance à tout agresseur qui pourrait se présenter.

 

Cette remarque permet de comprendre que le pardon abolit les conséquences spirituelles (et parfois aussi psychologiques) du mal : c’est ce que Saint Paul appelle être victorieux du mal par le bien. Il arrive parfois que la constance et la paix des victimes font que les bourreaux se découragent et même se rendent compte du mal qu’ils font et y renoncent.

 

 

Une deuxième remarque conduit à voir le lien entre pardon et amour.

 

Le pardon doit être considéré comme une forme supérieure de l’amour : dans le pardon, l’amour est plus fort que ce qui le contrarie. Le pardon rend à nouveau possible l’amitié entre le bourreau et la victime. Le pardon qui aboutit à ce résultat s’appelle la miséricorde.

 

Puisque le pardon est de la même famille que l’amour, il est soumis à la même loi que lui. De même que vouloir aimer, c’est déjà aimer, ainsi vouloir pardonner c’est déjà le début du pardon.

 

On oublie trop souvent aujourd’hui que l’amour n’est pas une passion : ce n’est pas quelque chose que l’on subit. L’amour commence quand on veut le bien de celui qu’on aime. L’amour est quelque chose de voulu, d’assumé ; l’amour, cela se construit, cela se travaille. Si on se souvenait davantage de cela, on aurait là encore beaucoup moins de divorces. C’est d’ailleurs facile à faire comprendre aux enfants : " Si tu veux quelque chose, c’est que tu l’aimes ", leur dit-on : il y a toujours un amour à la base d’un vouloir. Ce rapport entre amour et volonté est si fort que dans la philosophie du Moyen-Âge on employait un mot pour l’autre.

 

Alors c’est un bon encouragement pour ceux qui veulent pardonner mais n’y arrivent pas. S’ils veulent réellement pardonner, ils ont déjà commencé à pardonner. Ou plutôt : vouloir pardonner c’est déjà avoir pardonné, même si les conséquences psychologiques du pardon tardent à se réaliser. Ce qui empêche le pardon de porter immédiatement tous ses fruits ne dépend pas forcément de la volonté de celui qui pardonne : cette pensée aide bien souvent à progresser dans le pardon. Tout comme l’amour, le pardon se travaille, il se construit, il est le fruit d’une lutte en soi-même, dans laquelle il faut tenir compte de ce qui dépend des circonstances.

 

Ce sont ces circonstances qui doivent retenir notre attention maintenant : il y a des conditions matérielles et psychologiques du pardon.

 

Parfois certaines circonstances empêchent le pardon. Prenons l’exemple du harcèlement : quand l’injustice est répétée depuis longtemps, que celui qui la commet refuse toute discussion et ne reconnaît pas ses torts, quand on a des raisons de croire que cela n’aura pas de fin, il faut absolument sortir des circonstances qui empêchent le pardon, et se soustraire au bourreau si on le peut.

 

Il arrive que des vacances aident à relativiser certaines choses en permettant à celui qui est victime de l’injustice de s’en écarter pour un temps. Ainsi le repos physique vient au secours de la détente psychique.

 

Une autre façon de sortir de la spirale de l’injustice est de s’interdire d’y penser. Cela aussi, on l’oublie trop facilement aujourd’hui : la volonté est capable de diriger nos pensées. Pratiquement, ne pas penser à l’injustice est possible seulement quand celle-ci a cessé. Mais souvent le mal déploie toutes ses conséquences en nous parce que nous n’arrivons pas à penser à autre chose : alors il faut maintenir qu’il est possible de s’affranchir de ses obsessions. Le combat est souvent très dur et très long, mais dès le début il commence à porter des fruits.

 

 

Insistons sur ceci que pour être complet le pardon doit aboutir à la miséricorde. Il ne suffit pas d’oublier le mal ou de ne plus penser à celui qui l’a commis. La miséricorde est cette forme supérieure du pardon qui rétablit en l’offensé la possibilité d’aimer celui qui l’a offensé. Il s’agit de se refaire une idée de l’offensant qui exclut le souvenir de l’offense, qui revoit en lui une personne digne d’amour. La miséricorde relève le malfaiteur et le rétablit dans la société des gens honnêtes.

 

Ici, une remarque s’impose, et c’est celle de la loi de la réciprocité. On n’est pas capable de pardonner si l’on n’est pas capable de demander pardon. Si l’on est capable de demander pardon, c’est qu’on est conscient de ne pas être parfait. Et cette pensée de notre propre imperfection nous aide à prendre en compte l’imperfection de celui qui est injuste envers nous. Et de même que nous souhaitons être aimés malgré nos imperfections, de même il peut arriver que notre ennemi, quels que soient ses torts, souhaite être aimé malgré ses imperfections. Donc, même si nous souffrons de ces défauts de notre ennemi, il faut être capable de lui offrir notre miséricorde. Cependant on voit ici la nécessité de distinguer parmi les sortes d’ennemis : certains pèchent plus délibérément que d’autres, et la miséricorde ne s’applique pas à tous de la même façon. Être ouvert à la réconciliation est un devoir, mais cela ne signifie pas que la réconciliation doive être recherchée à n’importe quel prix.

 

 

Enfin, il faut savoir se pardonner à soi-même. Souvent on voudrait être parfait et on n’arrive pas à se pardonner ses propres imperfections. Pardonner ne veut pas dire que le mal est un bien, mais pardonner signifie qu’on a compris que la perfection n’est pas de ce monde. Par conséquent si je ne sais pas me pardonner à moi-même, je ne saurai pas non plus pardonner les imperfections des autres – surtout quand j’en ai été la victime.

 

 

Une remarque encore : bien sûr, le pardon devrait effacer totalement le souvenir de l’offense. Souvent d’ailleurs, le souvenir de l’offense ne subsiste qu’accompagné de celui de l’effort qu’on a fait pour surmonter le désaccord, et l’amitié qui en résulte est plus forte qu’avant l’offense. Mais parfois il faut tenir compte, sinon de l’offense, du moins de la capacité de l’autre à la commettre. Il faut pouvoir se mettre à l’abri d’un comportement agressif répété. Surtout si le sort d’autres est en jeu. Un chef doit se souvenir de l’incompétence d’un subordonné, un conjoint doit tenir compte d’un défaut de l’autre conjoint qui met en jeu la santé des enfants, etc. L’oubli consiste à faire sentir au délinquant qu’il est encore et toujours aimé, même si cela ne peut pas se traduire par une confiance en tout. Et la peine de mort, ainsi considérée, reste juste si elle a pour but de protéger d’éventuelles futures victimes, ainsi que la société dans son ensemble ; cependant, cette peine, avec la souffrance qui l’accompagne, peut être vue comme le moyen par lequel le condamné paye sa dette et mérite la miséricorde de ceux qu’il a agressés ; du moins cette considération vaut pour ceux qui croient en une vie après la mort, et il n’est pas étonnant que parmi les adversaires de la peine de mort il y ait eu d’abord des incroyants.

 

Ainsi le pardon n’est pas la négation de l’offense. Il y a des vérités historiques qu’il faut regarder en face, non seulement pour comprendre l’enchaînement des causes, mais surtout pour éviter de commettre les mêmes fautes que nos devanciers. De même il faut rappeler certaines choses contemporaines, parce que leur connaissance est nécessaire à une bonne appréhension de la situation et à une réactivité appropriée à cette situation.

 

 

Tout ce qui précède peut être compris même par des païens, et c’est la raison pour laquelle on a commencé par ces remarques. Nous pouvons ainsi aider tout le monde, y compris les incroyants. Mais il ne doit pas échapper que c’est la révélation chrétienne qui permet de saisir la réalité du pardon dans toute son ampleur, et que les civilisations qui refusent cette révélation se condamnent à plus ou moins brève échéance à la spirale de la haine et de la vengeance. Aussi examinons à présent comment le Christ Jésus nous a donné l’exemple du pardon.

 

 

Le pardon chrétien

 

Il y a deux prières de pardon du Christ. C’est important déjà de noter que le pardon de Jésus est tellement total qu’il s’exprime dans des prières pour ceux qui lui font du mal. Le chrétien qui pardonne prie pour ses bourreaux, il prend lui-même leur défense et demande à Dieu de leur faire du bien. Ainsi se manifeste pleinement que la charité de Jésus habite en son disciple.

 

 

La plus connue de ces prières de pardon de Jésus est celle qu’Il a faite sur la croix : " Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. " Jésus pratique la forme la plus difficile du pardon, Il pardonne pendant qu’on le torture. Il n’attend pas que le supplice soit terminé, il n’attend pas que la résurrection efface les conséquences du mal qu’on lui fait. Et c’est donc au pire moment pour Lui qu’Il trouve la force d’excuser ses adversaires : " Ils ne savent pas ce qu’ils font. " En fait il y a chez Jésus, parce qu’Il est Dieu fait homme, une disposition permanente à pardonner : nous ne pouvons acquérir une telle disposition que par la pratique assidue du pardon, mais c’est probablement en voyant cette aptitude de Jésus à pardonner, entre autres choses, que Saint Jean a conclu : Dieu est amour.

 

Le pardon des chrétiens est semblable à celui du Christ, comme le fut celui de Saint Etienne : celui-ci aussi a prié pour ses bourreaux au moment même où ils le lapidaient. Et ce pardon des martyrs est aussi efficace que celui de Jésus. Un très grand nombre de prêtres et de lévites de Jérusalem se sont convertis après la Pentecôte, et il faut y voir un effet de la prière de Jésus pour ses bourreaux. Et parmi les bourreaux de Saint Etienne il y avait Saul qui est devenu le grand apôtre Saint Paul. C’est grâce à cette forme de pardon qu’on a pu dire que le sang des martyrs est une semence de chrétiens.

 

 

La deuxième prière de pardon de Jésus est trop rarement interprétée comme prière de pardon. C’est celle qu’Il a faite la veille de sa passion : " Père, je veux que là où je serai, ils soient eux aussi. " Cette prière prend toute sa force si on remarque qu’elle ne fait qu’un avec la prière " Père, pardonne-leur ". En effet, au moment où Jésus prie pour ses disciples, afin que le Père les prenne avec Lui, ces disciples ne sont pas encore rachetés par la mort et la résurrection de Jésus, même s’Il leur dit qu’ils ont été purifiés par son enseignement.

 

Ainsi le pardon des chrétiens n’est pas total s’il ne conduit pas la victime à souhaiter que le bourreau soit avec elle dans le paradis. C’est difficile à admettre, mais puisque Jésus nous dit que nous ne pouvons pas être pardonnés sans pardonner nous-mêmes, notre place au ciel dépend de la place que nous souhaitons à nos adversaires. Il faut bien reconnaître que ce n’est pas facile à vivre ; on a donc le droit de se faciliter les choses avec un peu d’humour : imaginons la tête de notre bourreau en s’apercevant que nous sommes son voisin ! Là, on se rend compte que l’humour compte beaucoup dans la vie spirituelle. Mais imaginons surtout la reconnaissance du bourreau, en constatant que cette place à la droite de Jésus, il la doit à la prière de sa victime… Enfin, n’oublions pas que si le pardon que nous lui avons accordé nous vaut une place d’honneur près de Jésus, nous-mêmes pouvons avoir une certaine forme de gratitude envers notre bourreau, puisqu’il a été pour nous l’occasion d’un progrès spirituel. C’est dans cette perspective qu’on arrive à la vraie miséricorde. En tout cas, on doit être très attentif, quand on pense devoir se défendre, à ne rien faire qui compromette, peu ou prou, la relation qu’on aura dans l’éternité avec le bourreau repenti.

 

Si tout pardon est une forme supérieure d’amour, le pardon chrétien est une forme supérieure de l’amour de charité. On dit qu’on mesure sa charité personnelle en considérant la charité qu’on éprouve envers son pire ennemi.

 

Qu’est-ce donc que la charité ? C’est Dieu Lui-même, puisqu’on dit avec Saint Jean que " Dieu est amour " (Deus caritas est). C’est Dieu, en Lui-même et dans le rayonnement de son amour pour ses créatures. La charité de Dieu atteint chacun d’entre nous, qui peut librement répondre à cet amour. Dans ce lien de charité avec Dieu, chacun perçoit le lien d’amour qui lie Dieu à notre prochain. Dès lors, on n’a de cesse d’aimer celui que Dieu aime. Un enfant de Dieu ne peut pas aimer Dieu sans aimer ses autres enfants. Notre charité à l’égard du prochain a pour but d’éveiller son amour non seulement pour nous-mêmes, mais surtout pour Celui qui est l’origine de notre charité. Il faut qu’un chrétien aime son prochain de façon tellement pure que le prochain se rende compte que l’amour véritable qui l’atteint vient en fait de Dieu. Ainsi à son tour il peut comprendre que Dieu est amour et se tourner vers Lui dans la charité. On voit que la charité est un vaste mouvement d’échange entre Dieu et ses créatures, qui en liant les hommes à leur Créateur les lie entre eux.

 

Le pardon s’inscrit donc dans cette démarche. L’offensé chrétien ne perd pas de vue la charité de Dieu envers l’offensant. On a souvent l’idée fausse que le péché supprime l’amour de Dieu pour le pécheur. Comment pourrait-on empêcher l’amour infini de rayonner sur tous et chacun ? L’offensant ne cesse pas d’être soumis au rayonnement de l’amour de Dieu. Certes son péché l’empêche de profiter de la charité de Dieu. Mais c’est justement pour cela que la charité de la victime chrétienne est importante : comme celle du Christ elle vise au rétablissement de l’échange de charité entre Dieu et le bourreau.

 

Ainsi, lorsque le pardon est trop difficile, il faut l’accorder " dans le Christ " : il s’agit de laisser Jésus pardonner à travers nous. Dans la prière, on peut dire : " Seigneur, je vous demande que votre pardon atteigne mon ennemi à travers moi. " On se place ainsi à l’intérieur de l’amour de Dieu pour l’offensant. Là, quelle que soit son impuissance personnelle à pardonner, on est fort de la force de Dieu.

 

 

Le pardon de Dieu nous est accordé de façon spéciale dans les sacrements. Au baptême, le péché originel et tous les péchés commis avant le baptême sont effacés, détruits. Cependant il reste dans le baptisé la trace des dégâts commis dans l’âme par ces péchés. On peut le comprendre en faisant une comparaison avec la lèpre : Blanche de Castille appelait le péché mortel " la lèpre de l’âme ". La lèpre ronge les chairs. Si on prend le bon médicament, on peut être guéri, c’est à dire que le bacille de la lèpre est tué et que les chairs redeviennent saines. Toutefois les membres perdus ne repoussent pas, il faut des prothèses. De même, pour l’âme guérie du péché, il reste à poser un certain nombre d’actes vertueux pour reconstituer dans l’âme la capacité d’aimer Dieu de façon pleine et entière. Le problème est le même pour l’absolution reçue dans la confession. Or on voit que parmi les actes vertueux qui nous permettent de reconstituer les capacités de notre âme à nous unir à Dieu, figure en bonne place le pardon.

 

Car la loi de la réciprocité prend une nouvelle dimension dans la perspective chrétienne du pardon. Dans l’évangile Jésus insiste sur la nécessité de la réconciliation afin de pouvoir être en relation avec Dieu. C’est qu’avant tout le pardon envers notre prochain est indispensable pour recevoir le pardon de Dieu, et celui-ci est à son tour, évidemment, indispensable pour prier en vérité. Celui qui ne sait pas pardonner à son frère ignore ce qu’est le pardon et ne peut donc pas le demander à Dieu en vérité, en connaissance de cause. Or demander pardon à Dieu est indispensable pour se mettre en condition de recevoir cette miséricorde divine toujours offerte. Le pardon n’est pas une question annexe dans nos vies ; il est une question fondamentale, vitale.

 

 

Il faut maintenant réexaminer le rapport entre le pardon et l’oubli. Il est clair que quand Dieu a pardonné, le péché est détruit, il n’existe plus. Dieu n’en garde donc pas mémoire. Il reste cependant la trace de la miséricorde de Dieu dans le cœur du pécheur. Au ciel, nous ne devons pas craindre le moment où tout sera dévoilé. Ce que les autres verront de nous, ce ne sera pas nos péchés, ce sera tout l’amour dont Dieu nous a aimés pour faire disparaître nos péchés. Et nous serons heureux et fiers de cette miséricorde en acte dans nos cœurs.

 

Par conséquent, si l’oubli entre hommes ne peut être total ici-bas pour des raisons pratiques importantes, comme on l’a vu plus haut, du moins le chrétien doit-il attendre avec une certaine impatience le jour où tous les péchés seront remis, en sorte que plus rien ne s’oppose à un oubli total.

 

 

Il reste à examiner une question particulière, celle du rapport entre le pardon et la justice de Dieu. Car il y a des gens qui refusent l’amour de Dieu et par conséquent son pardon, et cela d’une façon définitive. Dieu a créé l’homme comme un être responsable dont Il respecte la volonté. Par conséquent il y a des gens en enfer : sinon cela voudrait dire que l’homme n’est pas libre. Dieu donne la vie à chacun d’entre nous par amour, et Il ne reprend pas ses dons. Le feu de l’enfer semble bien résulter de cette contradiction ontologique qu’il y a dans le fait que les damnés refusent l’amour même qui les fait exister.

 

Celui qui prie pour que ses ennemis soient avec lui au paradis doivent se souvenir que l’exaucement de sa prière est subordonné à leur conversion. Il doit la désirer ardemment, c’est même principalement pour cela qu’il prie. Cependant en l’absence définitive de cette conversion il doit se réjouir de ce que la justice de Dieu condamne ceux qui lui ont fait un mal tel qu’il leur mérite la damnation éternelle. Cette pensée ne peut être absente d’une méditation sur le pardon. La volonté de pardon n’est pas une volonté d’injustice. Il faut, pour pouvoir pardonner aux autres et demander pardon à Dieu, se débarrasser de cette idée que le pardon dispenserait des exigences de la justice. Oui, celui à qui on pardonne – et qui peut être moi-même, a le devoir de reconnaître ses torts et de les réparer, même si la volonté de pardon, et donc le pardon lui-même, est antérieure à cette reconnaissance et à cette réparation. Le pardon déjà accordé ne portera ses fruits qu’ensuite.

 

 

Conclusion : la repentance dans l'Eglise.

 

En guise de conclusion, abordons le thème de la " repentance " chrétienne. Il s’agit d’abord de demander pardon à Dieu en priant pour les pécheurs qui ont comme sali le nom de Dieu en agissant mal dans une fonction où ils paraissaient engager son autorité.

 

Il s’agit ensuite de demander pardon aux hommes qui ont pu être éloignés de Dieu et de son Eglise par les péchés des membres de l’Eglise ; la reconnaissance de ces péchés montre que l’Eglise les condamne afin qu’ils n’empêchent pas l’adhésion aux valeurs évangéliques.

 

Dénoncer le mal est alors un acte de miséricorde. Mais on ne doit pas perdre de vue que l’Eglise est sainte. Si elle est composée de pécheurs, ce n’est pas au titre de leurs péchés qu’ils composent l’Eglise, mais c’est au titre de la miséricorde sanctifiante reçue de Dieu. Si bien que le meilleur moyen pour l’Eglise de se faire pardonner les fautes de certains de ses membres, c’est encore d’exalter les fruits de la miséricorde divine en ses saints. Pardonner, c’est tourner son regard vers le bien et le détourner du mal.



02/09/2020
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