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Le Miracle de la Vistule – 15 août 1920

On n’a guère parlé du « Miracle de la Vistule », alors qu’en cette année 2020 les Polonais ont fêté le centenaire de cet évènement important de l’histoire de l’Europe au XXème siècle. Tâchons de réparer cet oubli, d’autant plus dommageable que les vies de deux grands Saints en ont été marquées.

 

Remontons au XVIIIème siècle. La Pologne avait été un royaume très vaste, grâce notamment à son union avec le Grand Duché de Lituanie. Mais alors que les grands nobles avaient vu leur pouvoir diminuer dans presque toute l’Europe au profit de celui des rois, en Pologne ils avaient gardé les moyens de paralyser la politique royale. Si bien qu’en vingt-trois ans, entre 1772 et 1795, ce royaume fut absorbé, en trois fois, par les trois puissances qui l’entouraient : la Prusse à l’Ouest, l’Autriche-Hongrie au Sud, la Russie à l’Est. Napoléon avait certes rétabli un « Grand Duché de Varsovie », mais qui ne couvrait pas toute l’étendue de l’ancien royaume polonais et ne survécut pas, bien sûr, à la disparition de l’Empereur des Français.

 

Ainsi pendant un siècle, jusqu’à la guerre de 14-18, les Polonais vécurent sous occupation étrangère dans trois empires différents. Leur langue leur permit de rester un même peuple, ainsi que leur appartenance à l’Eglise catholique : ils ne furent pas assimilés par la Russie orthodoxe ni par la Prusse protestante ; de ce point de vue la monarchie catholique austro-hongroise leur fut peut-être moins pénible. En tout cas les trois empires ne répugnaient pas à recruter des troupes polonaises dans leurs armées respectives. Et pour les motiver pendant la Grande Guerre, ils finirent par leur faire miroiter l’indépendance de leur pays.

 

Or peu avant cette guerre apparut un phénomène nouveau : des unités militaires proprement polonaises virent le jour, on les appela « légions ». Les occupants les toléraient, voire les encourageaient, espérant sans doute que leur caractère véritablement polonais leur permettrait de rallier facilement les Polonais des territoires polonais occupés par d’autres. Ce calcul se révéla mauvais, la légion polonaise partie du territoire autrichien en 1914 n’eut que peu de succès dans la zone russe. Bien qu’au total les effectifs de ces légions ne dépassèrent guère les 30 000 hommes en un même moment, en tout cas elles marquèrent la conscience polonaise grâce à la valeur des troupes qui les composaient et consentaient des sacrifices terribles pendant les combats de 1914-1918 ; elles furent probablement le noyau de l’armée polonaise qui naquit en même temps que la république polonaise à la fin de cette guère.

 

Bien sûr, ce n’était qu’un petit nombre comparé aux millions de soldats polonais recrutés dans les armées des trois empires, qui allaient après la guerre fournir à la Pologne les gros bataillons de son armée naissante, mais dans un pays qui peinait à refaire son unité, le fait que les légions aient été, elles, officiellement polonaises, a dû avoir un bon rôle dans ce processus d’unification de l’armée.

 

Et il était vital pour la Pologne d’avoir une bonne armée : avant le traité de Versailles, promulgué en 1920, les frontières de l’Etat renaissant n’étaient pas définies et des frictions eurent lieu sur plusieurs fronts. Les plus graves furent une véritable guerre avec la Russie : les communistes, qui n’avaient même pas encore réglé leur guerre civile avec les troupes blanches des partisans du Tsar, se proposaient de tendre la main aux révolutionnaires d’Allemagne ou de Hongrie, et se voyaient déjà paradant à Londres et Paris. Cependant leur offensive, après quelques succès, fut stoppée par la jeune armée polonaise ; celle-ci cependant ne sut sans doute pas s’arrêter à temps dans sa contre-offensive, car les communistes se ressaisirent, mirent en place des troupes aguerries et se trouvèrent début août 1920 aux abords de Varsovie que rien ne semblait pouvoir sauver.

 

C’est alors que se produisirent deux faits qui, s’ils s’expliquent naturellement, ont quand même eu un effet considéré comme miraculeux, car il s’est produit précisément le 15 août, fête de l’Assomption de la Sainte Vierge, pour qui les Polonais ont une vénération toute particulière.

 

Pratiquement aucun pays d’Europe ne voulait ou ne pouvait venir à l’aide de la Pologne dans cette situation critique, en tout cas pas ses voisins qui, nous l’avons vu, avaient souvent des contentieux frontaliers avec elle. L’Angleterre, qui, avec la France, avait vu le danger que représentait pour l’Europe la révolution communiste en Russie, ne put envoyer que deux cents conseillers militaires, à cause des syndicats gauchistes qui manifestaient à Londres ; mais la France put en envoyer quatre cents. Un tel apport n’est pas négligeable, d’abord du point de vue du moral des troupes : se savoir soutenus a dû réconforter les Polonais ; mais d’un point de vue militaire, il est probable que les Polonais avaient été écartés des postes à haute responsabilité dans les armées dont ils avaient dépendu pendant la guerre mondiale, de sorte que certains officiers nouvellement promus manquaient sans doute d’expérience. Cette aide occidentale fut le premier des deux évènements qui allaient conduire à la victoire.

 

Le deuxième eut un caractère beaucoup plus providentiel. Un ancien sous-officier polonais de l’armée austro-hongroise y avait été spécialiste du chiffre et parvint à « casser » le code employé par les communistes, en sorte que le Maréchal Piłsudski, dirigeant l’armée polonaise, fut bientôt en possession du plan d’attaque russe de la Vistule et de Varsovie. Il n’eut donc pas de peine à mettre au point une défense efficace, et, soutenu par un grand élan populaire, à encercler l’armée russe dont les débris retraitèrent en désordre sur plusieurs centaines de kilomètres, non sans commettre nombre de destructions très lourdes.

 

Tels furent les évènements qui permirent à la Pologne renaissante de trouver des frontières sûres, jusqu’à ce que l’alliance des nazis et des communistes, en 1939, vienne tout remettre en question, sauf l’indépendance de la Pologne. En tout cas le retournement de situation, comme nous l’avons dit, avait eu lieu pendant la fête de l’Assomption.

 

Et l’on peut penser que tout cela ne fut pas sans incidence sur la vie et la détermination de deux grands Saints polonais du XXème siècle : Saint Maximilien Kolbe et Saint Jean-Paul II.

 

Le premier est né à Zduńska Wola, en zone prussienne, et son père a été membre de la légion polonaise : il combattit donc alors que son fils, jeune franciscain, faisait à Rome des études qu’il acheva en 1919 avec l’obtention d’un doctorat en théologie. Il y avait fondé en 1917 la Militia Immaculatae, dont le bulletin, Miles Immaculatae, commença à paraître en 1922 : ces noms, à la fois guerriers et marials (« Milice de l’Immaculée », « soldat de l’Immaculée »), sont bien en accord avec les faits que nous venons de décrire. Et même si la détermination de Saint Maximilien Kolbe dans sa résistance aux communistes et ensuite plus spécialement aux nazis a une source principalement spirituelle, il n’est pas interdit de penser qu’elle s’appuyait aussi, en partie, sur le souvenir du Miracle de la Vistule et de ses circonstances.

 

La même remarque vaut sans doute, analogiquement, pour Saint Jean-Paul II, né à Wadowice en territoire alors autrichien. Son père fut sous-officier dans l’armée autrichienne, puis officier dans l’armée polonaise. Le petit Karol Wojtyła n’avait que trois mois au moment de la bataille de Varsovie, mais il est sûr qu’il en a ensuite longuement entendu parler, sans doute de la bouche même de son père. Son tempérament de battant et de résistant s’explique probablement en partie de ce fait, même si là encore c’est sa foi qui a donné à ce caractère le principal de sa force.



25/08/2020
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