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La résistance catholique face au nazisme

Homélie pour le 8 mai 1998.

En la paroisse cathédrale
de Saint-Denis de La Réunion.


Bien chers frères,

 
 Nous fêtons aujourd’hui l’anniversaire de la victoire sur le nazisme. Et les Anciens Combattants nous invitent à cette messe où nous prierons pour les victimes de cette guerre.
 Cette double occasion m’amène à vous parler de la résistance catholique au nazisme. Non pas pour minimiser les autres formes ou motivations de lutte contre les Nazis. Mais parce que la résistance des catholiques est trop peu connue, et nous verrons pourquoi.

 Il est juste de commencer par évoquer la résistance des catholiques allemands. Lors du dernier recensement avant la prise de pouvoir par Hitler, on a demandé l’appartenance religieuse des gens recensés. On peut donc comparer la carte religieuse de l’Allemagne à la carte politique dessinée par les élections de 1933. Et l’on constate que plus une circonscription est catholique, plus elle est anti-hitlerienne. Il y a une exception sur cette carte: c’est Berlin, qui quoique minoritairement catholique, vota majoritairement contre Hitler.
 En tout cas, on voit que les catholiques allemands n’avaient pas attendu l’encyclique « Mit Brennender Sorge » du Pape Pie XI pour s’opposer aux Nazis. Cette encyclique les renforça dans leurs convictions, et les prépara pour les épreuves suivantes. Herrmann Rauschning, qui avait un temps recueilli les confidences de Hitler, avait publié un livre paru dés 1939 en traduction française. On y lit: « Méthodiquement, scientifiquement, avec une logique inflexible, on a entrepris la lutte d’extermination contre tout ce qui était chrétien en Allemagne. »
 Effectivement, les catholiques allemands ont payé cher leur attitude. Au camp de Dachau, il y avait plus de deux mille prêtres allemands. Beaucoup y sont morts. La vie de certains d’entre eux a été racontée par Dom Maurus Münch, moine bénédictin de l’abbaye Saint Matthias à Trèves, lui-même rescapé de Dachau.

 Il faut dire un mot de la résistance des catholiques polonais. Les Prussiens, qui avaient à plusieurs reprises occupé tout ou partie de la Pologne, avaient déjà fait l’expérience qu’on ne pouvait abattre ce pays sans en extirper l’Eglise catholique. D’autres après eux en ont encore fait l’expérience. Il y eut plusieurs milliers de prêtres polonais internés dans des camps de déportation nazis, probablement de l’ordre de dix mille.
 Parmi eux, il faut mentionner Saint Maximilien Kolbe. Ce religieux franciscain avait un rayonnement immense et les revues qu’il éditait tiraient à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires. Il fut déporté au camp d’Auschwitz. Là, il prit la place d’un codétenu condamné à mort. Lors de la béatification du Père Kolbe, au premier rang dans la basilique Saint Pierre de Rome, il y avait le père de famille à qui il avait sauvé la vie.

 Continuons ce tour d’horizon non exhaustif avec l’attitude du Pape Pie XII. Il fit tout son possible pour maintenir l’Italie hors de la guerre, puis pour préserver Rome de la destruction. Et sa sollicitude s’étendait à l’ensemble du monde en guerre. Et lorsque l’irréparable était en marche, il travaillait encore, lui qui n’avait pas d’armée, à en limiter les conséquences.
 L’actualité nous amène à relever un domaine où son action fut particulièrement payante: ce qu’il fit pour les Juifs et qui lui valut la reconnaissance officielle de l’Etat d’Israël. Pour ne citer que cet exemple, c’est en très grande partie grâce à ses efforts que les Juifs italiens ne furent pas déportés, pas plus que les Juifs croates réfugiés dans la zone de leur pays occupée par l’armée italienne.

 Venons-en à la France, en commençant par l’attitude de l’épiscopat français.
 Dés 1940, le Cardinal Gerlier, Archevêque de Lyon et Primat des Gaules, dénonçait les conditions de vie inhumaines faites aux Juifs étrangers internés dans des camps après s’être réfugiés dans notre pays.
 Plus tard, il faut mentionner Monseigneur Petit de Juleville, Archevêque de Rouen, qui entre autres préféra saborder son bulletin diocésain plutôt que de le laisser servir la propagande ennemie. Après la guerre, il fut créé Cardinal. Certains se demandent peut-être pourquoi Pie XII n’a pas fait cette nomination pendant la guerre elle-même. La réponse est simple: il n’est pas dans les habitudes du Pape de désigner les victimes à leurs bourreaux.
 Un autre fut créé Cardinal après la guerre: Monseigneur Salièges, archevêque de Toulouse. Il avait dénoncé l’idéologie nazie, on tenta de l’atteindre, d’abord en faisant le vide dans son entourage. La police allemande disait de Monseigneur de Solages, Recteur de l’Institut Catholique de Toulouse: « Un seul de ses textes nous fait plus de mal qu’un attentat à la grenade. » Monseigneur de Solages fut déporté, tout comme Monseigneur Théas; l’abbé de Noroy fut condamné à mort.
 Malgré ces coups, Monseigneur Salièges continuait à résister, imprimant ses textes en secret pour échapper à la censure. Beaucoup connaissent ces faits. Mais on ignore généralement que cet Archevêque de Toulouse, en 1940, était à peu près complètement paralysé depuis le début des années trente.

 Le simple clergé ne fut pas en reste. Voici deux prêtres qui résistèrent militairement -quoique sas armes - dés 1940. L’abbé Bernard Ferrand fut chef de secteur du réseau Alliance; il mourut au Struthof en septembre 44. L’abbé Roger Derry fut le premier à contacter Londres. Pris, il fut décapité. La veille de son exécution, il se demandait s’il avait choisi la bonne façon de combattre: non qu’il doutât de la légitimité de la lutte, mais simplement il se demandait si cette forme de combat était bien celle qui convenait à un prêtre.

 Il est difficile de parler de résistance non armée dans le cas de Mère Elisabeth Rivet, Supérieure Générale des Soeurs de la Compassion de Lyon: elle avait caché jusqu’à dix tonnes d’armes dans son couvent! Citée à l’ordre de la division, elle mourut le 30 mars 1945 au camp de Ravensbrück.

 Mais il y eut aussi une résistance spirituelle directe, si l’on peut dire, dont le meilleur exemple est sans doute l’espèce de réseau d’aumônerie clandestine qui s’était monté dans le STO. Les Nazis voulaient faire des ces jeunes travailleurs déracinés des sujets dociles de leur idéologie. Mais ils n’étaient pas dupes, et savaient bien que des prêtres s’étaient infiltrés parmi eux. Un décret du 3 décembre 1943 le montre: désormais, un grand nombre de travailleurs français, prêtres et laïcs, vont être tués en haine de la foi, « pour action catholique non politique ». Il est ainsi clair qu’ils sont tout autant victimes de l’athéisme que du nazisme. On a recensé cinquante et un de ces martyrs « directs ». Faut-il les énumérer? Il faudrait penser aussi à tous ceux qui sont morts sans témoins.

 Alors pourquoi tous ces faits sont-ils si méconnus? Il y a une première raison, bien simple: il s’agissait d’une action clandestine. Les évêques ne publiaient pas dans leurs bulletins diocésains les filières d’exfiltration vers la Suisse ou l’Espagne.
 Et puis il y a une question d’humilité. Nous avons des consignes formelles de Notre Seigneur, Jésus: « Quand vous faites du bien, que votre main droite ignore ce que fait votre main gauche. » Ainsi j’ai connu personnellement l’abbé Jean Renard, du diocèse d’Amiens, qui avait été déporté à Dora pour faits de résistance. Trente ans après la guerre, ses anciens compagnons de déportation se redirent compte qu’il n’avait reçu aucune décoration. Il ne voulut pas instruire le dossier, ils s’en chargèrent. Il fut aussitôt nommé Commandeur de la Légion d’Honneur.

 Tout cela pour redire aux Anciens Combattants: « L’Eglise était avec vous, quand vous combattiez pour la liberté. » Et pour dire à tous: « Chaque fois que des Français se lèveront pour combattre et donner leur vie pour la liberté, l’Eglise sera avec eux, l’Eglise sera parmi eux. »



14/04/2020
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