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Jésus ou Bouddha

Deux visions du monde et de l’homme:

JESUS OU BOUDDHA.

Antagonisme ou convergence?

 

Dans les contes du Moyen-Orient, les devins viennent souvent du Maroc. Puisque le merveilleux n’est pas dans le quotidien, l’homme pense pouvoir le trouver au loin. Voilà peut-être une des raisons de l’attrait de nos contemporains pour le bouddhisme.

 

Mais le bouddhisme n’est qu’une variante de la pensée de l’Inde, et c’est de celle-ci qu’il sera surtout question ici. On la comparera à la vision chrétienne et occidentale en ce qui concerne les relations de Dieu et du monde, et de l’homme à Dieu.

 

 

Dieu et le monde dans la pensée de l’Inde.

 

Pour la mentalité indienne, le monde s’est échappé de Dieu sans que celui-ci le veuille. Il n’y a donc pas de véritable discontinuité entre Dieu et le monde: d’une certaine façon ils ne font qu’un, on passe de l’un à l’autre sans s’en apercevoir. Mais dans cet ensemble formé par Dieu et le monde, il y a un centre, en lequel réside à proprement parler la divinité.

 

Dans cette conception, Dieu est esprit, il ne crée pas la matière. Celle-ci ne se trouve que dans les parties du monde les plus éloignées du centre divin. Si le mot " être " désigne tout ce qui existe, la matière n’est qu’une forme très dégradée de l’être. Mais il existe une sorte de mouvement par lequel tout être tend à revenir vers le centre divin. Ce mouvement est le bien. Tout ce qui s’oppose à ce mouvement est le mal.

 

On n’est pas loin des conceptions dans lesquelles la matière est le mal: c’est ce qu’on trouve dans la religion de Zoroastre, dans la Perse traditionnelle. L’Occident a été confronté avec cette pensée au temps des Cathares. Mais elle est différente de celle de l’Inde: pour Zoroastre, on a deux principes de force égale, le bien et le mal; c’est pourquoi on parle de dualisme au sujet de cette doctrine. Tandis que pour la pensée de l’Inde, il n’y a qu’un seul principe à l’origine de tout: on parle dans ce cas d’un monisme. La pensée occidentale connaît un exemple de monisme avec la philosophie de Spinoza.

 

Pour la conception indienne du monde et de Dieu, on peut prendre la comparaison d’un feu de bois. Quand une branche s’y casse, des flammèches se lèvent, soulevées par le courant d’air chaud. Mais bientôt elles finissent de brûler et ne sont plus que de la cendre dans de l’air refroidi qui a commencé à redescendre. Finalement la cendre redescend dans le brasier dont plus rien ne la distingue. Ainsi l’être qui s’échappe du centre divin de l’univers se dégrade mais doit finalement s’y replonger et s’y fondre. 

 

 

La pensée occidentale et chrétienne de la création.

 

Pour nous, Dieu a créé le monde consciemment et volontairement. Il y a donc une discontinuité totale entre le créateur et la création, entre Dieu et son oeuvre. Dieu est infini et tout puissant, pas le monde. L’être divin et l’être créé sont différents, même si Dieu a mis son image dans la création, à des degrés divers de l’être.

 

Dieu n’a nul besoin de la création. Il est parfait en lui-même, il se suffit à son propre bonheur. Il crée par amour. Rien donc dans sa création n’est mauvais. Puisque Dieu est parfait, il n’y a pas de partage en lui: d’un côté l’amour, de l’autre côté le créateur. Au contraire, tout son amour se trouve impliqué dans chacune des créatures, fût-elle le plus petit des grains de sable. La matière n’est pas mauvaise en soi: elle est créée, donc voulue et aimée par Dieu. Seule une volonté libre peut y produire du mal.

 

C’est là le plus fort de la création: Dieu a créé des êtres libres, les anges et les hommes. Ils ont une nature spirituelle, à l‘image de Dieu: ils peuvent le connaître et l’aimer. Dieu veut et aime chacun d’entre eux.

 

 

L’homme dans la pensée occidentale et chrétienne.

 

L’homme est créé corps et âme, il n’y a pas en lui de part mauvaise. Les Grecs croyaient que l’âme venue d’ailleurs, avait échoué dans un corps comme dans une prison. A ses débuts, le christianisme va devoir lutter contre cette conception, puisque Jésus est ressuscité et que son corps a été glorifié ensuite.

 

Puisque l’homme est aimé et créé par Dieu, il a le devoir d’aimer Dieu en retour. L’homme est immortel: il faut qu’il soit " proportionné " à Dieu qui est éternel, pour pouvoir l’aimer vraiment.

 

L’homme est jugé d’après l’amour qu’il met dans ses actes, à l’égard de son créateur et des autres créatures. Il est responsable de ses actes et en recevra les conséquences à la fin de sa vie. Il fait lui-même son destin personnel pour l’éternité, à partir des capacités reçues à sa naissance et dans son éducation. Tant qu’il n’est pas mort, il peut toujours se tourner vers Dieu et bâtir sa personnalité dans l’amour.

 

L’homme bon est celui qui aime Dieu et qui manifeste cet amour dans ses rapports avec son prochain. Il y a des efforts à faire dans ce sens, contre l’égoïsme surtout. Il s’agit d’orienter les capacités, non de les anéantir. Ces efforts peuvent aller jusqu’au sacrifice de sa vie: il ne s’agit pas d’une mort définitive.

A la mort, l’âme de l’homme bon devient capable de voir Dieu et de vivre dans le bonheur pour toujours. A la fin du monde, son âme reconstitue son corps qui entre ainsi dans la gloire de Dieu. A sa mort, l’homme mauvais, celui qui a refusé d’aimer et d’être aimé, continue de vivre, mais dans le malheur, fruit de la haine qu’il a lui-même choisie. A la fin des temps, son corps participe à cette déchéance.

 

 

L’homme dans la pensée de l’Inde.

 

Dans la conception de l’Inde au contraire, l’homme, comme le monde, n’a pas été voulu par Dieu, son être personnel est de peu d’intérêt. Il doit se fondre à nouveau dans le foyer divin au centre de l’univers. Cela passe par la domination des passions et par une bienveillance universelle.

 

Les passions sont en effet ce qui nous fait être distincts du reste du monde. La méditation doit devenir une absence de toute réflexion, une sorte de vide de l’esprit. Il faut s’anéantir soi-même. La haine étant l’une des plus violentes passions, elle doit être vaincue en premier. Le corps doit disparaître, avec les passions dont il est le siège.

 

Le triomphe de l’homme juste est sa propre disparition. L’homme qui au terme de sa vie n’a pas réussi cet anéantissement doit recommencer à vivre. En fonction de ses mérites, il se réincarne dans le corps d’un animal plus ou moins noble, ou dans celui d’un homme. Ainsi de réincarnation en réincarnation, il devrait finir par réussir à se fondre à nouveau dans le centre divin.

 

On voit que cette doctrine élimine la responsabilité personnelle. Car il ne reste pas trace de la personnalité de celui qui a atteint le but de l’homme. Et celui qui n’a pas été assez bon a une infinité de possibilités d’atteindre finalement le but.

 

 

Du bouddhisme en Occident?

 

En général, le bouddhisme en Occident ne parle pas des efforts à faire pour l’anéantissement personnel. Cela ne serait pas très populaire. On ne retient pour la vie quotidienne que l’aspect d’apaisement des passions. Mais là on rejoint toutes sortes de doctrines qui s’entremêlent dans l’esprit des Occidentaux qui s’inspirent du bouddhisme.

 

Ainsi on trouve beaucoup d’éléments de psychanalyse ou d’écologie mêlés au bouddhisme dans le " Nouvel Age ". Mais on recherche souvent plus une technique de relaxation qu’une véritable religion. Souvent il s’agit aussi d’une fuite hors d’un monde rationaliste et froid, d’où l’adoption de croyances totalement irrationnelles: certaines formes d’astrologie en particulier.

 

Mais ce qui plaît le plus, semble-t-il, aux Occidentaux aujourd’hui, c’est la réincarnation. Cette idée rassure ceux qui s’insurgent à l’idée de retourner au néant. Et c’est un paradoxe pour ceux qui se disent bouddhistes, car pour Bouddha la cause de tous les maux est précisément le " vouloir vivre "! Surtout la réincarnation est un concept suffisamment vague pour qu’on n’ait pas à faire effort dans le quotidien: le sacrifice n’est pas bien vu de celui qui cherche à se rassurer à bon compte.

 

 

Questions.

 

Les questions qu’on peut poser aux adeptes de ces théories peuvent donc concerner l’origine de leurs croyances et les conséquences qu’elles peuvent avoir sur l’avenir de nos sociétés.

 

Pour le chrétien en effet les certitudes peuvent venir de deux sources. Il y a d’une part l’intelligence naturelle, qui s’exprime entre autres dans la science, la philosophie, la morale, etc. Et il y a la révélation, par laquelle Dieu donne aux hommes la connaissance de ce qui est nécessaire pour trouver le bonheur éternel, mais qui ne serait pas accessible à la raison naturelle.

 

Ainsi un discernement est nécessaire pour chaque aspect des croyances d’origine orientale qu’un Occidental croit devoir adopter, souvent sous l’influence de sectes. Chacun doit faire le tri entre ce qui est démontrable par l’intelligence naturelle et ce qui vient d’une révélation. Pour ce qui viendrait d’une révélation, il faudrait examiner comment on affirme qu’elle viendrait de Dieu. Et une telle révélation venant de Dieu est-elle concevable dans la mentalité bouddhiste?

 

Mais c’est un fait que le développement du monde moderne s’est fait sur la base de l’affirmation occidentale de la responsabilité personnelle. Que peut-on attendre d’une civilisation où celle-ci serait anéantie?

 

En bref on peut se réjouir de voir l’idéal bouddhiste de la maîtrise de soi et de la bienveillance. On le trouve aussi dans le christianisme. Mais trop souvent aujourd’hui on dilue cet idéal dans l’attente d’une harmonie personnelle trouvée dans le plaisir égoïste. Or chacun doit faire effort sur soi-même pour atteindre son équilibre; et le progrès de la société s’accomplit par le sacrifice personnel. L’espérance chrétienne qui cherche à participer à l’éternité bienheureuse de Jésus après avoir participé à son sacrifice a toujours été un gage de progrès personnel et social.

 

Père Bernard Pellabeuf.

(Extrait de Flam Flomed n° 19)



17/04/2020
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