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Apposition

Grammaire

Apposition

 

Y a-t-il des adjectifs apposés ?

 

 

Certains parlent « d’adjectifs apposés ». On trouvera ci-après les raisons pour lesquelles d’autres préfèrent utiliser à ce propos l’expression « épithète séparée ». Ce sera d’ailleurs l’occasion de faire le point sur l’apposition. Celle-ci en effet, signifie étymologiquement « posé auprès » ; mais dans la pratique elle peut être séparée du nom auquel elle est apposée, tandis que sa caractéristique principale n’est pas dans cette proximité avec ce nom.

 

Qu’est-ce qu’une apposition ?

 

Si l’on ne parle pas pour le moment des adjectifs, on sait qu’on a des noms apposés et des propositions apposées : c’est à partir de ces sortes d’appositions qu’on va proposer une définition de l’apposition.

 

Ainsi on a pour les noms l’apposition directe, c'est-à-dire sans préposition, comme dans l’expression « le président Untel », et l’apposition indirecte, donc avec préposition, comme dans l’expression « Le hameau de Mare à Poule d’Eau ».

On voit que dans ces exemples le second terme désigne exactement la même réalité que le premier. Ainsi quand celui qui parle dit « le président », c’est déjà à Untel qu’il pense ; ou quand on écrit « le hameau », c’est déjà de « Mare à Poule d’Eau » qu’il s’agit.

Autrement dit, pour les noms, on parle d’apposition quand le terme apposé a le même contenu de pensée que le premier. C’est d’ailleurs cette identité du contenu de chacun des termes qui fait qu’en latin il vaut mieux traduire en inversant l’ordre des mots. Ainsi, là où on a en français « le consul Cicéron », on traduit normalement en latin « Cicero consul » : que les deux termes désignent la même réalité fait qu’on peut les interchanger sans changer le sens.

 

Pour les propositions, on retrouve le même phénomène d’identité des contenus de pensée de chacun des termes. Ainsi dans la phrase « L’idée qu’il vient me réjouit », on voit que l’idée dont il s’agit n’est rien d’autre que celle de sa venue : « qu’il vient » désigne exactement la même chose que « l’idée ». Au passage on peut faire remarquer que dans l’expression « l’idée de sa venue », il vaut mieux interpréter « venue » comme une apposition que comme un complément de nom.

 

On voit aussi qu’il faut enseigner à distinguer, en français, la proposition apposée de la proposition relative : dans la proposition apposée, le « que » est une simple conjonction de subordination (ce qui fait que les propositions apposées sont classées le plus souvent parmi les complétives), et cette conjonction n’a pas d’autre fonction que d’introduire la proposition ; tandis que dans les relatives, le « que » est un pronom, qui représente son antécédent dans la relative et y a par conséquent une fonction.

On peut donner l’exemple suivant : « Le principe, que m’ont donné mes maîtres, qu’il faut être juste en toute circonstance, m’a été très utile. » On y voit que la première proposition est une relative, où le « que » est un pronom complément d’objet de « ont donné » - et la proposition signifie « mes maîtres m’ont donné ce principe ». Tandis que la seconde proposition est bien une apposition à principe : le que n’y a aucune fonction particulière, et l’obligation d’être juste en toute circonstance n’est pas autre chose que le principe en question. Et l’on vérifie dans cet exemple que l’apposition n’est pas nécessairement « posée auprès » du mot auquel elle est apposée.

Bref on voit que les propositions apposées, comme les noms mis en apposition, désignent la même réalité que le mot auquel ils sont apposés.

 

Le cas des adjectifs.

 

Or cette équivalence entre les contenus de pensée des deux termes des appositions ne se retrouve pas dans le cas des adjectifs. Et il ne peut pas en être autrement, puisque qu’un adjectif, quand il se rapporte à un nom, désigne un aspect ou une qualité de la réalité recouverte par ce nom : il ne peut pas y avoir équivalence entre une réalité et un de ses aspects.

Ainsi dans la phrase « Rapide, le lièvre pense arriver le premier », on voit que « le lièvre » désigne une réalité bien définie, alors que « rapide » ne fait qu’évoquer une de ses qualités : ce n’est pas la rapidité qui arrivera, mais bien le lièvre.

Et là encore, il peut se trouver que ce type d’adjectifs que certains appellent apposés, ne soient pas placés auprès du mot auquel ils se rapportent. Ainsi dans la phrase « La tortue part, lente mais décidée », il est clair que les adjectifs coordonnés « lente » et « décidée » se rapportent à « tortue » mais en sont séparés par le verbe « part ». Donc on voit que les adjectifs dits « apposés » ne méritent cette appellation ni par la position dans la phrase ni par l’identité d’idée avec le mot auquel ils se rapportent. Par conséquent, il vaut mieux les appeler épithètes. Mais pour rendre justice à l’intention bonne de ceux qui veulent attirer l’attention sur ce qu’ils ont de particulier, on peut employer à leur sujet l’expression « épithètes séparées ».

 

Et les adverbes ?

 

Ajoutons que si l’on devait vraiment parler d’adjectifs apposés, il faudrait également inventer des adverbes apposés. Si l’on dit « Vite, la tortue prend le départ », on voit que vite a la même fonction que dans la phrase « La tortue prend vite le départ ». Que l’adverbe soit séparé du verbe par une virgule n’en fait pas une apposition. De même qu’un adjectif qualificatif employé comme épithète séparée indique une qualité du nom auquel il se rapporte, ainsi un adverbe de manière séparé indique la manière dont se déroule l’action dont parle le verbe auquel il se rapporte. Il n’y a pas plus de raison de parler d’adjectif apposé que d’adverbe apposé.

 

Bref, pour toutes ces raisons, il paraît bien plus judicieux de repousser l’appellation d’adjectif apposé.



16/04/2020
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